chronique
Opinion

Souvenir d'une enfant du verglas dans le Triangle noir

le jeudi 04 janvier 2018
Modifié à 15 h 12 min le 04 janvier 2018
Par Valérie Lessard

vlessard@gravitemedia.com

La crise du verglas ? J’avais beau avoir 9 ans à l’époque, je m’en rappelle comme si c’était hier. La maison familiale était située dans le fameux «triangle noir». Résultat : 30 jours sans électricité. Vous savez ce qu’est le fameux «triangle noir» du verglas ? C’est la zone située entre les villes de Saint-Hyacinthe, Granby et Saint-Jean-sur-Richelieu qui ont été les plus touchées par les pannes. Mon village natal, Saint-Pie, est en plein dedans. Au départ, mon frère et moi nous amusions malgré la panne de courant. Ça signifiait pour nous des vacances de Noël prolongées. Mes parents l’ont rapidement trouvé beaucoup moins drôle. Comme on habite en campagne, la maison n’est pas raccordée au système d’aqueduc. C’est un puits qui nous alimente en eau potable. Dès les premières heures de la panne de courant, l’eau s’est mise à monter dans notre sous-sol. Mes parents étaient dans le trouble et devaient évacuer l’eau avant qu’elle ne fasse des dégâts. Heureusement pour eux, un voisin agriculteur leur a prêté une pompe à gaz. Mon père devait la faire fonctionner toutes les trois heures. [caption id="attachment_36524" align="alignnone" width="521"] D'importantes quantités de verglas ont complètement figée la nature. (Photo Gracieuseté Johanne Arcand)[/caption] Les voisins se sont mobilisés pour s’entraider comme ils le pouvaient. Au départ, nous étions la seule maison à avoir accès à une ligne téléphonique. Les voisins venaient loger leurs appels chez nous. Jusqu’à ce que notre poteau casse et s’effondre dans la rue. Après quelques jours d’enfer à gérer la maison, mes parents ont décidé que mon frère et moi irions chez mes grands-parents sur la Rive-Nord de Montréal, car ils étaient épargnés par la tempête. Il aura fallu plus de quatre heures à ma mère pour faire la distance de notre village jusqu’à Laval, alors qu’habituellement il s’agissait d’un trajet d’une heure. «Les rues étaient bloquées partout par des fils et des poteaux électriques. Montréal était dans le noir», se souvient ma mère. Étant logée chez mes grands-parents, j’ai eu le luxe d’avoir de l’électricité pendant des jours alors que mes parents, essoufflés, vivaient comme dans le temps de Séraphin. Après un certain temps, j’ai dû retourner à la maison, car l’école avait recommencé, le village étant rebranché à nouveau. Mais pas ma maison. Chaque matin, l’enseignante nous demandait qui n’avaient toujours pas d’électricité. J’ai été l’avant-dernière de ma classe à retrouver le courant. [caption id="attachment_36523" align="alignnone" width="521"] L'électricité revenue le 5 février à 21:32 selon ce qu'avait noté ma mère. (Photo Gracieuseté Johanne Arcand)[/caption] Bien que ça ait été une période difficile pour ma famille, mon père m’a dit de sages paroles cette semaine au sujet du verglas. «Quand je vois ce qui se passe en Californie avec les feux de forêt, je me dis que le verglas ce n’était pas si pire. Là-bas ils perdent tout». Quand on se compare, on se console, n’est-ce pas?