chronique

22 saveurs du bonheur

le vendredi 19 avril 2019
Modifié à 15 h 38 min le 19 avril 2019
Par Michel Thibault

mthibault@gravitemedia.com

N’en déplaise au président Trump, plusieurs Québécois nouent de solides amitiés avec des habitants de Cuba. Roger Campbell est du nombre. J’ai fait sa connaissance lors d’un séjour dans cette île tropicale au début d’avril. Guide de plongée sous-marine, guide de pêche, globe-trotter, ancien conseiller municipal et entrepreneur, le résident de l’Île-Perrot fréquente le même hôtel, près de Trinidad, depuis 30 ans. Ses valises sont toujours alourdies de présents pour ses nombreux amis. «Je n’ai jamais rien vendu», note-t-il. La générosité va dans les deux sens, précise Roger Campbell. «C’est un échange culturel. Les Cubains m’ont beaucoup appris. Ils m’ont enseigné toutes sortes de petits trucs pas possibles. Des trucs de pêche, par exemple, que j’applique au Québec. Je suis aussi un amateur de magie. Un magicien cubain m’a enseigné la mécanique de la magie, des illusions», témoigne-t-il. À la chasse, les Cubains utilisent de la mélasse séchée au lieu de plomb, illustre l’amateur de plein air. «Tout ce recycle à Cuba», dit-il. Roger Campbell et son épouse Michelle ont aidé quelques Cubains à émigrer au Québec. Une fois les formalités complétées et les frontières traversées, le couple a hébergé quelques migrants, le temps qu’ils volent de leurs propres ailes. «Ils vivaient au sous-sol mais il n’y avait qu’une seule table. On mangeait tous ensemble tous les jours. C’était le lieu de réunion», souligne le bon Samaritain. Ses protégés conjuguaient emploi modeste comme laver la vaisselle et études pour parvenir à améliorer leur sort. «Ils ont travaillé fort», dit M. Campbell. Leur séjour durait environ neuf mois. «Lorsqu’ils partaient en appartement, on faisait le tour des vidanges les soirs de gros meubles. On trouvait de tout. On les a gréés d’un bout à l’autre. Des gens jettent des sets de chambre à coucher au complet», raconte-t-il. De ses invités, certains sont devenus enseignants, journaliste ou professionnels dans le milieu de la santé. Laisser derrière soi sa famille, l’endroit où l’on a grandi, se déraciner, représente tout un défi. Beaucoup de migrants veulent offrir un avenir meilleur à leurs enfants. Loin de leurs proches, dans un nouvel univers totalement différent de celui qu’ils connaissent depuis leur naissance, entre autres au chapitre de la météo, les Cubains en transit chez les Campbell avaient parfois le mal du pays. «Quand nos invités de Cuba s’ennuyaient, on avait une solution en 22 saveurs. De la crème glacée au chocolat, au Rolo, aux Smarties, énumère Roger Campbell. Et bien sûr, un appel téléphonique à Cuba.» L’homme a 75 ans. À peu près l’âge de Donald Trump. Comment expliquer que l’ouverture et la sensibilité à autrui diffèrent autant d’une personne à l’autre ?  

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