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À l’origine d’une série documentaire sur les Hells Angels

le mercredi 14 avril 2021
Modifié à 16 h 10 min le 16 avril 2021
Par Vicky Girard

vgirard@gravitemedia.com

Depuis le 25 mars, la série documentaire La Preuve, qui dépeint l’Opération SharQc ayant permis l’arrestation d’une centaine de membres des Hells Angels, est disponible sur Club Illico. La productrice de la série Isabelle Ouimet, originaire de Saint-Constant, raconte le travail d’envergure qui se cache derrière ce projet qui aura pris quatre ans à réaliser. «Elle est enfin disponible!», se réjouit-elle d’emblée au bout du fil au sujet de la série. Il faut dire que normalement, la réalisation d’un projet comme celui-ci dure environ un an, selon son expérience. Beaucoup d’éléments ont nécessité tout ce temps, dont celui de convaincre deux anciens Hells Angels – Ghislain Vallerand et Éric Bouffard – de témoigner à visage découvert : un tour de force accompli par Mme Ouimet. «Ç’a été excessivement difficile. Ce n’est jamais arrivé que des Hells Angels parlent publiquement dans une série documentaire. Il y avait un lien de confiance à établir, parce qu’ils n’avaient aucun droit de regard sur le contenu», explique-t-elle. La productrice raconte que la première rencontre s’est effectuée dans un restaurant. Le journaliste Félix Séguin qui participe à la série était présent. M. Bouffard a passé plus d’une heure à lui faire part de ses réticences en raison de son aversion pour les médias. «Un moment donné, je me suis vraiment fâchée. J’ai donné un coup de poing sur la table en lui disant que c’était assez le bashage. Je voulais leur parler de ma série et ils m’ont écoutée après ce moment», se souvient-elle. Finalement, c’est l’argument de la transparence et d’une tribune pour raconter leur version des faits qui les a convaincus. Ceux-ci relatent notamment, dès le début de la série, le matin de leur arrestation. Outre l’obtention des témoignages, la recherche incluant la preuve dont le document imprimé serait d’une hauteur de plus de 371 Empire State Building contre les 156 criminels arrêtés le 15 avril 2009 dans le cadre de l’Opération SharQc en était une d’envergure. Le squelette de la série a consisté en un disque dur obtenu d’une source par l’équipe de production, décrit comme «une bombe» dans le premier épisode du documentaire. Celui-ci contenait plus de 4,3 millions de fichiers nécessitant plus de 7 ans à consulter. «Tout ce qu’on voit à l’écran, mis à part quelques images d’archives, ça vient du disque dur. C’est beaucoup de choses qui n’avaient jamais été dévoilées au public, dont le témoignage du délateur Sylvain Bélanger», fait savoir Mme Ouimet, dévoilant qu’elle-même a découvert beaucoup d’éléments qu’elle et des avocats ignoraient dans certains dossiers.  
Photo gracieuseté.
Découvrir et démystifier Les 111 membres en règle arrêtés en 2009 ont tous été libérés. L’objectif de La Preuve est clair pour Mme Ouimet. Il s’agissait de «raconter ce qui n’avait pas fonctionné dans SharQc. C’est la plus grande opération policière de tous les temps au Canada contre un groupe criminalisé. Les Hells Angels font partie de l’histoire du Québec». «Avec cette série-là, on démocratise l’organisation et comment le système judiciaire fonctionne avec le crime organisé», affirme-t-elle.  La productrice qu’on voit s’exprimer à l’écran dans la série décrit l’opération comme un échec. «On explique dans la série comment, en prison, ils ont décortiqué et détruit la preuve», raconte Mme Ouimet.
«Quand je me suis lancée là-dedans, je n’en revenais pas que tous ceux arrêtés soient dehors.» -Isabelle Ouimet, productrice de La Preuve
Quelle vérité? Devant tous les côtés de la médaille exposés, soit celui des policiers, de la Couronne, de la Défense et des Hells Angels, le défi était de se recentrer. «Chacun raconte sa vérité. Nous, on s’est équilibrés avec ce que la justice a cru», dit Isabelle Ouimet. Elle tenait mordicus à ce que tous les témoignages soient livrés sans filtre et qu’il n’y ait pas de censure. Les protagonistes avaient le droit de ne pas répondre à certaines questions, mais «ils étaient challengés, avec, par exemple, des questions à Éric Bouffard sur sa fille et l’étiquette qu’elle doit porter d’avoir un père motard». «Je pense que c’est ça aussi qui fait la force du documentaire», croit-elle. Quelques chiffres -La guerre des motards qui a sévi entre 1994 et 2002, a fait 160 morts et plus de 200 blessés au Québec; -En 2001, l’opération Printemps démantèle les Nomads, une escouade de guerre des Hells Angels menée par Maurice «Mom» Boucher, celle-ci inspirera l’Opération SharQ; -Le 15 avril 2009, à 6h du matin, 156 mandats d’arrestation sont émis contre 111 membres en règles des Hells Angels ainsi 45 de leurs collaborateurs; -Les Hells Angels sont notamment accusés de 22 meurtres commis pendant la guerre des motards.