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Besoin d'aide alimentaire : le pire est à venir selon les organismes de dépannage

le lundi 29 juin 2020
Modifié à 8 h 22 min le 29 juin 2020
Par Geneviève Michaud

gmichaud@gravitemedia.com

Les organismes de dépannage et banques alimentaires de la région ont dû répondre à un nombre grandissant de demandes d’aide depuis le début de la pandémie. Ils estiment cependant qu’avec la fin du soutien financier gouvernemental et les fermetures d’entreprises qui se pointent à l’horizon, «le plus gros de la crise reste à venir». Chez Moisson Rive-Sud, «c’est la folie depuis le début de la crise», lance d’entrée de jeu le directeur Dany Hétu.
«Nos pauvres, dans d’autres pays, seraient des riches. Heureusement, on a les ressources et le filet social pour les aider. Ça fait de notre pays un pays plus juste.»- Stéphane Plante  
En temps normal, la banque alimentaire située à Boucherville fournit en denrées une centaine d’organismes de l’agglomération de Longueuil et des environs. «Depuis le début de la pandémie, on reçoit environ 80-85% plus de denrées que d’habitude, raconte le directeur général. Mais même si on approvisionne actuellement seulement 80% de nos membres environ, on n’a pas de problème d’entreposage. C’est une bonne nouvelle parce que ça veut dire que les denrées sortent au même rythme qu’elles entrent.» Chez Moisson Sud-Ouest, qui dessert les organismes des MRC de Vaudreuil-Soulanges, Beauharnois-Salaberry et Haut-Saint-Laurent, «on sort une fois et demie la quantité de denrées habituelles depuis le début de la crise, soutient la directrice développement et philanthropie Geneviève St-Jacques Thériault. Il a rapidement fallu se revirer de bord pour louer un deuxième camion, s’équiper pour réfrigérer et congeler les denrées et louer un camion-remorque de 53 pieds pour le transport», explique-t-elle, rappelant que l’organisme, dont les locaux sont trop petits, travaille depuis un an pour se relocaliser. Du côté de Mission Nouvelle Génération (MNG), 312 nouvelles inscriptions ont été enregistrées depuis la fin mars, alors que l’organisme situé à Brossard compte 1765 membres réguliers. La Rencontre châteauguoise, qui distribue normalement des denrées à environ 125 ménages chaque semaine, a vu ses demandes d’aide hebdomadaires atteindre et parfois même dépasser les 200 depuis avril. [caption id="attachment_78069" align="alignleft" width="444"] Josée Foucault[/caption] L’organisme qui s’approvisionne chez Moisson Rive-Sud a temporairement laissé tomber la rencontre préalable ainsi que la nécessité d’obtenir une preuve de résidence avant d’accorder l’aide demandée. «Le mot s’est passé et on a reçu plus de demandes, indique la directrice générale Josée Foucault. Aussi, il y a plus d’enfants à la maison alors, les besoins en nourriture des familles augmentent.» Le Complexe le Partage, qui dessert La Prairie, Saint-Constant et Sainte-Catherine, et la Corne d’abondance de Candiac répondent quant à eux à deux fois plus de demandes chaque semaine depuis le début de la pandémie. Pic de crise attendu Même s’ils ont été grandement sollicités au cours des dernières semaines, les organismes s’entendent pour dire que le pire reste à venir. «Selon moi, le choc n’est pas encore arrivé, affirme le directeur général de Moisson Rive-Sud. Il va arriver quand des entreprises vont devoir fermer définitivement leurs portes et que des gens vont se retrouver sans emploi.» «Ce qui m’inquiète, indique quant à elle la directrice générale de la Rencontre châteauguoise, c’est que présentement, les gens ont des ressources et de l’aide du gouvernement. De quoi ça aura l’air quand l’aide arrêtera? On n’a pas encore vu vraiment le gros de la crise je pense.» «On s’attend à ce que les gens aient encore plus besoin de nous quand la Prestation d’urgence du gouvernement cessera, soutient Geneviève St-Jacques Thériault, de Moisson Sud-Ouest. On peut également s’attendre à ce que des événements de collecte de fonds comme La guignolée des médias rapportent moins que d’habitude, comme beaucoup de gens feront face à des défis financiers. Puis, au moment de produire leurs rapports en mars et avril 2021, les gens devront payer de l’impôt sur les prestations reçues. Tous ces éléments font qu’on ne prévoit pas un retour à la normale avant 12 ou même 24 mois.» Impressionnante générosité Les organismes sondés par le journal sont unanimes: ils ont été impressionnés et touchés de la générosité des entreprises et particuliers de la région. «C’est toujours extrêmement réconfortant d’être témoin de la générosité de nos partenaires et donateurs», indique le directeur général de Moisson Rive-Sud. «En une semaine au début de la crise, on a perdu 90% de nos bénévoles, qui sont pour la majorité des gens âgés, raconte de son côté le directeur général de MNG. Mais rapidement, avec l’aide de la Ville de Brossard et du site Web mis sur pied par le gouvernement du Québec, on s’est retrouvé avec 110% de nos effectifs bénévoles. Ç’a été beau de voir la solidarité des gens qui voulaient aider.» L’organisme de Brossard a aussi pu profiter d’un nouvel ameublement lavable pour sa salle d’attente, gracieuseté d’IKEA. «On n’a jamais misé sur les campagnes de financement mais au cours des derniers mois, les citoyens se sont spontanément mis à nous faire des dons, se réjouit Stéphane Plante. C’est touchant et impressionnant, pas tant pour le montant donné que pour le geste.» De son côté, Moisson Sud-Ouest est heureux d’avoir pu obtenir du financement pour assurer exceptionnellement la livraison des denrées à ses organismes membres pour les deux prochains mois. Le Complexe le Partage a quant à lui créé un fonds d’urgence d’aide alimentaire au début de la crise, dont 100% de l’argent est dédié à l’achat de nourriture. Rapidement, il a pu accumuler 100 000$ en sollicitant des partenaires, mais aussi grâce à plusieurs dons d’entreprises, de municipalités ou de particuliers. Le directeur général Frédéric Côté n’en revient pas de l’élan de solidarité sans pareil dans la région. En plus de faire des dons en argent, deux jours seulement après l’appel du premier ministre François Legault, une centaine de bénévoles avaient offert de donner un coup de main à l’organisme. (Avec la collaboration d’Hélène Gingras.)   Pour aider les organismes Les organismes acceptent toujours les dons, en argent ou en denrées. Moisson Rive-Sud moissonrivesud.org/simpliquer/faire-un-don Moisson Sud-Ouest moissonsudouest.org Mission Nouvelle Génération missionnouvellegeneration.org/fr/don La Rencontre châteauguoise rencontrechateauguoise.com/dons-1/ Le Complexe le partage lepartage.info/nous-aider La Corne d’abondance facebook.com/CorneAbondanceCandiac   Lexique de l’aide alimentaire Banque alimentaire Centre de distribution alimentaire qui approvisionne les organismes communautaires d’un territoire donné. La banque alimentaire récupère les denrées, en fait le tri et remet sa quote-part à chaque organisme membre. Organisme de dépannage alimentaire Organisme faisant la distribution et/ou la livraison de paniers de denrées. Organisme d’aide alimentaire Popote roulante servant ou livrant des repas préparés.

650 000 Québécois ont eu recours à l’aide alimentaire

Selon un sondage réalisé du 8 au 11 mai par La guignolée des médias, 650 000 Québécois ont eu recours à un comptoir d’aide alimentaire depuis le début de la crise, dont 322 000 pour la première fois. Toujours selon le sondage, un Québécois sur cinq affirme qu’il ne pourra nourrir sa famille que pendant un mois après la fin de l’aide gouvernementale actuelle. Ainsi, près de 15% estiment très ou assez probable la possibilité qu’ils aient recours aux services d’un comptoir alimentaire. Au moment du sondage, un Québécois sur cinq dépendait financièrement de l’assurance-emploi ou de la Prestation canadienne d’urgence. Le quart de la population anticipait par ailleurs qu’elle aurait de la difficulté à trouver un emploi lorsqu’elle n’aurait plus accès à ces programmes d’aide gouvernementaux. La campagne d’urgence Le confinement, ça donne faim organisée par La guignolée des médias du 20 avril au 31 mai, a permis de récolter 1,2 M$ au bénéfice de quelque 70 comptoirs d'aide alimentaire de partout au Québec. Par ailleurs, la 11e édition de la campagne printanière de la Société des alcools du Québec, tenue en mai, a récolté plus de 1 M$ pour le réseau des Banques alimentaires du Québec. De plus, depuis mars et jusqu’à nouvel ordre, la SAQ remet au réseau les frais de livraison à domicile de 12$ facturés pour chaque commande en ligne.

Des mesures pour assurer la sécurité des employés et des bénéficiaires

Les organismes de dépannage et banques alimentaires ont dû «se revirer sur un 30 sous» pour pouvoir assurer la sécurité de leurs employés, bénévoles et bénéficiaires tout en continuant d’offrir leurs services essentiels. «Ç’a été vraiment beau de voir la capacité d’adaptation de notre personnel, affirme la directrice développement et philanthropie de Moisson Sud-Ouest Geneviève St-Jacques Thériault. Grâce à l’aide de Banques alimentaires du Québec, qui nous communiquait déjà des normes deux jours après la fermeture des écoles, on a pu très rapidement s’organiser.» La banque alimentaire a installé des affiches pour sensibiliser ses employés aux règles d’hygiène à appliquer. Des corvées de bénévoles hors site ont été organisées pour trier les denrées, afin de limiter l’accès à l’entrepôt au plus petit nombre de personnes possible. Les denrées sont ensuite mises en quarantaine avant d’être distribuées aux organismes. «Dès le début, on a coupé l’accès à l’entrepôt, sauf pour les bénévoles et les employés, qui portent tous des gants et un masque, raconte de son côté le directeur général de Moisson Rive-Sud Dany Hétu. On a également mis en place des mesures quotidiennes de désinfection des surfaces et des équipements. Et nos employés administratifs font du télétravail.» Chez Mission Nouvelle Génération, le directeur général Stéphane Plante explique que des stations de désinfection et des Plexiglass ont été installés dans les locaux. «Auparavant, les gens accédaient à l’intérieur de l’entrepôt pour remplir leur panier, comme à l’épicerie. Maintenant, les paniers sont préparés par les bénévoles qui les remettent aux familles à l’extérieur. On a aussi lancé un service de livraison à domicile pour les personnes âgées et plus vulnérables.» Du côté de la Rencontre châteauguoise, les employés et bénévoles portent gants et masques et les surfaces et équipements sont désinfectés deux fois par jour. «Ceux qui le peuvent font du télétravail, ajoute la directrice générale Josée Foucault. On limite aussi le nombre de bénévoles pour la distribution des denrées le jeudi matin à deux ou trois, alors qu’on en avait auparavant dix ou quinze. Ce qui nous prenait une journée d’organisation nous prend maintenant la semaine.»