chronique

Ces êtres odieux qui ont du succès

le mercredi 16 janvier 2019
Modifié à 14 h 24 min le 16 janvier 2019
Par Michel Thibault

mthibault@gravitemedia.com

Ils mentent. Ils sont hypocrites. La générosité et l’empathie ne font pas partie de leurs qualités. Toutes leurs actions ne visent qu’à avantager une seule personne : eux-mêmes. Et ils ont du succès.
«Un trompeur trouve toujours quelqu’un qui se laisse tromper»- Nicolas Machiavel
On les retrouve à la tête de pays, de villes, de compagnies, rois de toutes sortes d’organisations légales ou pas. Une masse de gens les soutiennent, les appuient. Les admirent. Leur donnent le pouvoir. Il n’y a rien d’étonnant dans cela. Depuis des siècles, la méchanceté, l’égocentrisme et la fourberie sont reconnus comme des caractéristiques royales. C’est du moins ce qui ressort des écrits sur le sujet de Nicolas Machiavel, décédé en 1527 à Florence en Italie, 58 ans après y avoir vu le jour. On doit à ce penseur «Le Prince», un ouvrage dans lequel il offre ses conseils pour régner. La philosophe Marianne Chaillan nous en rappelle quelques-uns dans son ouvrage «Game of Thrones, une métaphysique des meurtres». On sait combien sont nombreux les politiciens qui renient leurs promesses. Une bonne affaire, estime Machiavel. «Un prince bien avisé ne doit point accomplir sa promesse lorsque cet accomplissement lui serai nuisible», écrit-il dans Le Prince, cité par Chaillan. Il donne un truc pour faire passer la pilule : la ruse. «On peut faire voir que ceux qui ont su le mieux agir en renard sont ceux qui ont le plus prospéré. Mais, pour cela, ce qui est absolument nécessaire, c’est de bien déguiser cette nature de renard et de posséder parfaitement l’art et de simuler et de dissimuler. Les hommes sont si aveugles, si entraînés par le besoin du moment, qu’un trompeur trouve toujours quelqu’un qui se laisse tromper». Au besoin, conseille Machiavel, un Prince doit «savoir entrer dans le mal s’il le faut». À son avis, un roi qui voudrait faire tout le temps le bien n’irait pas loin. «…un homme qui en toute occasion voudrait faire profession d’homme de bien, il ne peut éviter d’être détruit parmi tant de gens qui ne sont pas bons, justifie-t-il. Aussi est-il nécessaire à un prince, s’il veut se maintenir, d’apprendre à pouvoir n’être pas bon, et d’en user et n’user pas selon la nécessité.» Machiavel déconseille la générosité. En partageant largement ses richesses, selon lui, les gens viennent à les considérer comme un dû. Plus, on risque de s’appauvrir et de se retrouver dans l’impossibilité de donner. Le cas échéant, on sera cuit, laisse-t-il entendre. À l’opposé, un roi pingre sera perçu comme un être formidable les rares fois où il donnera. Plusieurs groupes de criminels appliquent le principe : de l’avis de Machiavel, il vaut mieux être craint qu’aimé. Entre autres parce que si vos sujets ont davantage peur de vos ennemis que de vous, ils risquent bien de vous trahir. «On appréhende beaucoup moins d’offenser celui qui se fait aimer que celui qui se fait craindre», prévient-il, cité toujours dans le livre de Chaillan. Navrant qu’après 500 ans des masses se laissent encore tromper par des individus machiavéliques.