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Ces yeux qui parlent après la mort

le vendredi 06 novembre 2015
Modifié à 0 h 00 min le 06 novembre 2015
Par Production Gravite

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Chargé de déterminer la cause de certains décès, le coroner et médecin Roger Laberge, de Châteauguay, a tous les moyens imaginables pour résoudre les mystères de morts violentes, notamment en étudiant les yeux du défunt, et déposer ses recommandations.

(Cet article a été publié originalement le 30 avril 2014 dans le Soleil de Châteauguay.)

Depuis trente ans, Dr Laberge en a vu de toutes les couleurs. Il a côtoyé la mort, à plusieurs reprises, dans le cadre de son poste de coroner pour le territoire des hôpitaux Anna-Laberge et Barrie-Memorial.

Employé par le ministère de la Justice, il enquête sur toutes les morts violentes, que ce soit des accidents de voiture, des meurtres, des suicides ou des décès inexpliqués.

Nombreuses sont les questions auxquelles doit répondre un coroner. D’abord, qui est mort? «Quand il meurt dans son lit avec la famille à côté, ça va bien, mais pas quand ça fait trois mois qu’il est dans le champ de blé d’Inde à Saint-Isidore et qu’ils ont coupé tous les doigts pour pas qu’il ait d’empreintes digitales», explique le Dr Laberge, précisant que ces circonstances sont arrivées à quatre ou cinq reprises durant sa carrière.

Secrets de coroner

Il faut également trouver où la victime a perdu la vie, ce qui n’est pas nécessairement le lieu où il a été retrouvé, quand il est décédé et qu’est-ce qui l’a tué.

«D’abord, on fait un examen externe du cadavre. Si je ne peux pas mettre un diagnostic sur la cause de la mort, on envoie le corps pour faire une autopsie. On demande la toxicologie et le pathologiste va nous dire qu’il est décédé de telle ou telle chose.»

La toxicologie peut se faire à partir de l’urine, de l’estomac, du sang et même des yeux pour trouver des traces de drogue, de médicaments ou de poison. «Il y a des trucs que les gens ne savent pas. Tu peux aller chercher des prélèvements directement dans le cœur. C’est rare qu’il se vide complètement. Le liquide oculaire, il n’y a pas grand monde qui connait ça. Ça prend du temps à une substance à se rendre au liquide oculaire, mais elle reste là longtemps.»

Quant à l’ADN, il y a toujours un moyen de la trouver, ne serait-ce qu’avec un test très poussé relativement nouveau.

Précieux luminol

Le luminol, outil précieux, permet de retrouver toute trace de sang sur un lieu. «Je vais enlever la tapisserie, changer le gyproc et, trois ans après, je vais être capable de dire qu’il y a eu du sang sur ce mur-là», donne-t-il en exemple.

Le luminol lui a un jour permis de résoudre un crime déguisé en suicide. L’homme était pendu dans la grange, son fils et sa femme étaient en pleurs. «Il y avait une chaise à terre. Le policier prend la chaise et la met droite. Je suis en arrière, je regarde, la chaise est là, et les pieds sont là, expose le coroner en montrant la distance avec ses bras. Ça me dit qu’il ne s’est sûrement pas accroché là tout seul.»

À la morgue, la barbe fournie du père de famille est rasée. Elle cachait le trou d’une balle. «Ils ont fait une étude au luminol dans la maison. Ils ont vu que monsieur avait été tiré dans son lit, qu’il avait été nettoyé dans la salle de bains.»

Les recommandations du coroner

«Le but premier des coroners, c’est d’éviter qu’il y ait des morts futures.» C’est pourquoi, son enquête terminée, le Dr Roger Laberge, coroner, dépose des recommandations aux instances concernées.

«Ils n’écoutent pas toujours parce que les recommandations du coroner ne sont pas exécutives. Les recommandations, c’est très important», martèle le médecin.

Les recommandations peuvent être, par exemple, de changer d’emplacement un panneau d’arrêt, d’en installer un, d’adoucir une courbe dangereuse ou même d’ajouter des éléments de sécurité autour d’un pont-levis.

Dans ce dernier cas, une dame est décédée en 2000 après être tombée dans les engrenages des écluses, à Sainte-Catherine, lorsque le pont s’est levé tout de suite après que la cloche ait retenti. Ses recommandations ont été de laisser un délai de cinq minutes entre la cloche et le lever du pont afin de laisser le temps aux piétons de finir leur traversée. Dr Laberge a demandé à ce qu’il y ait un poste de surveillance plus près et que les agents puissent voir les images des six caméras de surveillance en même temps.

Les recommandations ont été prises au sérieux et ce genre de drame n’est plus survenu.

(Reportage écrit par Cynthia Laflamme)