chronique

Chronique de Claude Poirier : le métier a changé en 60 ans

le jeudi 15 août 2019
Modifié à 10 h 15 min le 15 août 2019
Le 11 août, j’ai entamé ma 60e année comme chroniqueur judiciaire dans la presse écrite, à la radio et à la télévision. Je considère que je suis un homme extrêmement privilégié d’exercer cette forme de journalisme qui n’existait pas et d’avoir été impliqué autant que je l’ai été. À mes débuts en 1960, très peu de journalistes se spécialisaient dans ce qu’on appelait à l’époque «les chiens écrasés», soit les faits divers. J’ai commencé en prenant beaucoup de photos crochesqu’on faisait développer à la pharmacie. On est loin des photos de cellulaire prises et publiées instantanément! Pendant 8 mois, je n’ai reçu aucun salaire et mes premières paies étaient de 50$ par semaine. Aujourd’hui, des journalistes ne veulent même pas travailler le soir ou les fins de semaine! La première fois où je suis allé au palais de justice, il n’y avait que cinq journalistes de la presse écrite. J’ai été le premier à y mettre les pieds pour du contenu destiné à la radio ou à la télévision. À cette époque, ça brassait dans les palais de justice. Ça réagissait fort quand je sortais les nouvelles parce qu’il y avait une certaine loi de l’omerta. Le métier se faisait avec des contacts et c’était moins contrôlé, puisque les relationnistes médias n’existaient pas dans la police. On parlait directement aux enquêteurs et notre travail s’en trouvait facilité. Par contre, ils donnaient les informations qu’ils voulaient bien donner. Pour compléter mes histoires, j’ai dû aller de l’autre côté de la clôture afin de développer mes sources dans le milieu criminel. Ça m’a pris des années pour avoir de la crédibilité et leur confiance.
Les premières années, je faisais mes reportages pour CJMS dans les cabines téléphoniques. De tous les outils que j’ai eus pour le travail, c’est le cellulaire et la boîte vocale qui ont été les plus importants. J’utilise encore un téléavertisseur même si les gens se moquent de moi, car c’est encore le moyen le plus sécuritaire pour échanger des informations confidentielles, selon moi. De plus, les communications n’étaient pas aussi développées que de nos jours. L’Internet a beaucoup changé les choses, ainsi que les médias sociaux. Je suis pour la dénonciation d’abus, mais je trouve dommage que les procès se tiennent sur la place publique avant même les enquêtes. J’ai connu des gens qui ont été salis ainsi. On ne laisse plus les policiers faire leur travail. C’est déplorable. 10-4! (Propos recueillis par Gravité Média)