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Combien pour acheter les terrains privés du boisé Châteauguay-Léry ?

le vendredi 19 février 2021
Modifié à 11 h 11 min le 19 février 2021
Par Michel Thibault

mthibault@gravitemedia.com

Élus municipaux et bon nombre de citoyens de la région demandent aux gouvernements d’acquérir les terrains privés du bois Châteauguay-Léry pour assurer sa conservation à perpétuité. Combien ça pourrait coûter ? La question est toujours en suspens. À lire aussi : La CMM veut contribuer À lire aussi : La députée fédérale appuiera la demande d'aide financière pour l'achat de terrains À lire aussi : La ministre Laforest se prononce sur le boisé Châteauguay-Léry Les propriétaires des lots concernés couvrant 61 hectares intentent une action de près de 50 M $ à Châteauguay, Léry et la MRC de Roussillon, les accusant de procéder à une expropriation déguisée avec les règles d’urbanisme en vigueur. Le maire de Châteauguay Pierre-Paul Routhier a laissé entendre dans une vidéo sur Facebook le 29 janvier que, dans son état actuel, selon des avis juridiques, la position des municipalités est « très fragile ». « Fragile, ça veut dire qu’on risque de perdre et d’être condamnés à des indemnités qui peuvent aller jusqu’à 50 M $. Moi j’ai fait le serment, en novembre 2017, de protéger la Ville de Châteauguay, de protéger les citoyens. Si vous pensez qu’après avoir reçu des avis juridiques comme ça de nos conseillers, j’allais dire je ne vous crois pas, on va perdre jusqu’à 50 M $ et que ça soit les citoyens de ma ville qui payent pour ça. Jamais je n’accepterai ça », a déclaré le premier magistrat. Le conseiller François Le Borgne lui a reproché de ne pas donner l’heure juste à l’assemblée du conseil du 15 février. « Le 50 M $ c’est sans fondement sauf en épousant la cause des demandeurs. Vous alléguez des choses fausses. Vous ne faites aucune réserve sur les montants réclamés », a-t-il martelé. M. Le Borgne a soutenu qu’en réponse à une de ses questions, le conseiller juridique a reconnu que « la réclamation des demandeurs était exagérée ». Il a observé que « l’évaluation n’avait pas fait l’objet de mandat ». Le maire Routhier a allégué que peu importait que le débat juridique porte sur « 50 M $, 5 M $ ou 50 cents ». « L’important c’est que si nous perdons le débat juridique, la cause environnementale va en manger un coup, a-t-il affirmé. Parce que le débat juridique qui a cours actuellement c’est parce qu’on protège des terrains et, selon les demandeurs, on les protège trop. » Il a souligné que la MRC avait prévu le règlement 215 pour se protéger juridiquement et qu’elle demandait « à tous les paliers de gouvernement et donateurs privés d’acquérir les terrains visés, afin qu’on puisse donner cet ensemble-là à tous les citoyens à perpétuité ». La « création d’une vaste aire protégée à Châteauguay et à Léry » constitue la priorité des maires et mairesses de la MRC de Roussillon, fait part Anne-Louise Milot, porte-parole. Ce qui pourrait se concrétiser avec l’achat des terrains à « leur juste valeur marchande ». Valeur marchande que la MRC de Roussillon n’a pas établie. [caption id="attachment_99732" align="alignnone" width="2560"] Guy Turcotte, de SOS Forêt Fernand-Seguin, milite depuis plusieurs années pour la conservation du boisé Châteauguay-Léry. (Photo d'archives)[/caption] 4 M $ ? Militant de longue date au sein de SOS Forêt Fernand-Seguin en faveur de la conservation complète du corridor vert Châteauguay-Léry, Guy Turcotte appuie l’achat des terrains mais pas à 50 M $.  « Il faut acheter au bon prix. Je crois que ça vaut au maximum deux fois l’évaluation municipale. Elle est de 2,1 M $. Si on multiplie par deux, on est à 4 M $ », a-t-il estimé en entrevue au Soleil de Châteauguay. À cette hauteur, les propriétaires obtiendraient 33 cents par pied carré, selon M. Turcotte. « Léry a payé des terrains 10 cents du pied carré de gré à gré pour de la conservation », a-t-il dit. Il peut y avoir un fossé entre le montant d’une action et celui accordé par un tribunal. Dans un jugement daté du 12 août 2020, la Cour supérieur du Québec a conclu que la Ville de Mascouche avait réalisé une expropriation déguisée aux dépens d’une citoyenne en changeant le zonage d’un terrain boisé de résidentiel à conservation. La propriétaire demandait 4,5 M $. La Cour lui a accordé 436 000 $. La MRC de Roussillon s’est abstenue de se prononcer sur cette décision que lui a soumise le journal. « Nous ne commentons pas la jurisprudence. Comme vous le savez, toutes les causes sont différentes, et c’est un ensemble de décisions juridiques qui permet aux avocats de mettre en lumière les similitudes et les différences de chaque situation », a signifié Anne-Louise Milot au Soleil de Châteauguay. Partage équitable Comme la conversion du boisé en parc nature profiterait à l’ensemble de la population de la région métropolitaine, les gens de la région n’ont pas à assumer la facture seule, considèrent élus municipaux et citoyens. « Ce n’est pas à la petite ville de Léry à absorber les coûts d’un parc. Ce sera un parc pour la grande région métropolitaine. Il faut que ça soit réparti équitablement », fait valoir Guy Turcotte. Urgence Aux yeux de Guy Turcotte, il est « urgent » d’acquérir les lots concernés, un vœu de la population qui date de plusieurs années. « Ça presse pour plusieurs raisons. Entre autres, parce que plus on attend, plus ça prend de la valeur. Aussi parce qu’il reste moins de 8 % de couvert forestier dans la MRC de Roussillon et qu’il n’y en a même pas 2 % en conservation. C’est aussi urgent de protéger la biodiversité », fait-il valoir. Règlement 215 Le conseil des maires de la MRC de Roussillon prévoit adopter une version « bonifiée » du règlement 215 à son assemblée de ce mercredi 24 février. Ce, « dans une perspective défensive et intérimaire, en attendant un plan d'action pour l'acquisition des terrains à leur juste valeur marchande », précise l’organisme.