chronique

Crime organisé, policiers frustrés

le mercredi 01 juillet 2020
Modifié à 8 h 08 min le 30 juin 2020
Par Michel Thibault

mthibault@gravitemedia.com

La semaine dernière, La Presse +, sous la plume du journaliste Daniel Renaud, révélait que les policiers sont de plus en plus frustrés parce que certains dossiers liés au crime organisé traînent en longueur. On n’a qu’à penser à l’enquête SharQc sur les motards criminels ou à des dossiers de corruption de l’UPAC. À la lecture du reportage, on constate que les policiers sont frustrés parce qu’il n’y a pas d’avocat expérimenté en charge de ces dossiers. Il y a quelques années, les procureurs attitrés aux enquêtes sur les motards criminels pouvaient se déplacer dans les bureaux pour suivre quotidiennement le déroulement des enquêtes. Depuis la parution du rapport Bouchard, en 2017, sur le Service de police de la Ville de Montréal, ce système a été aboli. Également, on constate que les procureurs qui déposent les accusations criminelles ont quitté massivement ce milieu parce qu’ils travaillaient dans des conditions précaires. Cela a fait en sorte que des avocats ayant moins d’expérience – et ce n’est pas un reproche envers ceux-ci – ont été envoyés à leur place. J’ai vécu la crise d’Octobre en 1970, lorsque les forces policières ont mis à jour le Front de libération du Québec. À l’époque, le ministère de la Justice avait décidé d’aller chercher des avocats chevronnés, qui avaient déjà de l’expérience comme procureurs, mais qui faisaient carrière pour la défense, afin de leur donner des mandats. Ça avait eu un impact considérable sur les décisions judiciaires. Il y a eu deux opérations importantes contre les motards criminels au Québec. La première s’est déroulée en 2001 lorsque Maurice Mom Boucher a été arrêté. Un procureur chevronné, Me André Vincent, était allé au fond des procédures judiciaires. C’est vrai qu’il y avait eu des ententes avec les avocats de la défense, mais ça avait quand même donné des résultats! La seconde est l’Opération SharQc. Il y a eu un arrêt des procédures et des motards criminels ont été libérés. Alors quand je regarde la situation actuelle, je pense que les policiers ont totalement raison d’être frustrés. Et attention! Je ne défends pas les policiers, parce que je ne suis pas le genre de gars à le faire! Mais ces policiers-là travaillent des journées de 16 heures pendant des mois. Ils sont conscients que ça coûte cher aux contribuables du Québec. Mais, malheureusement, les dossiers tombent entre deux chaises. Comme je dis souvent, nous récoltons maintenant ce que nous avons semé. 10-4! (Propos recueillis par Gravité Média)