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Croissance au ralenti en vue pour un producteur laitier de Sainte-Martine

le vendredi 19 octobre 2018
Modifié à 19 h 52 min le 19 octobre 2018
Par Marie-Josée Bétournay

mjbetournay@gravitemedia.com

La famille Julien produit du lait sur sa ferme de Sainte-Martine depuis trois générations. Au lendemain de l’entente relative à l’Accord États-Unis-Mexique-Canada (AEUMC), Réjean Julien craint un ralentissement de la croissance de son entreprise Ferme Juligné au cours des prochaines années. Actuellement, M. Julien veille sur 90 animaux dans son étable. Il termine chaque année financière avec une production de 547 500 litres de lait, soit 1500 litres par jour. Dès que les producteurs des États-Unis et du Mexique exporteront leur lait au Canada, l’équivalent de 3,6 % du marché canadien, M. Julien pourrait revoir à la baisse sa production laitière. «On donne notre croissance aux étrangers. Si la consommation n’augmente pas en conséquence, on va devoir diminuer notre production pour laisser de la place sur notre marché aux producteurs étrangers», dit-il. Pas avant 2023 Il faudra attendre 2023-2024 avant que l’entière quantité de lait permise des pays étrangers ne franchisse les frontières canadiennes. «Ça ne se fera pas drastiquement. Demain matin, il ne faut pas que les producteurs cessent leur production en raison de l’Accord», souligne M. Julien. Qu’adviendra-t-il après 2024? M. Julien s’inquiète plutôt pour la génération qui lui succède. «Est-ce qu’on va investir dans un secteur qui laisse aller ses parts de marché?», se questionne-t-il.   [caption id="attachment_51372" align="alignnone" width="521"] Les sénateurs André Pratte et Julie Miville-Dechêne ont discuté d’une façon de compenser les pertes avec des producteurs à la Ferme Juligné le 11 octobre. (Photo Gracieuseté)[/caption] M. Julien estime à 9 % les parts de marché que les producteurs laitiers ont cédé aux pays étrangers, l’équivalent de 800 M de litres de lait par année, via la signature de l’Accord de partenariat transpacifique et l’Accord économique et commercial global, entre autres. «C’est énorme. Je ne sais pas si bien des secteurs concèderaient leur marché sans dire un mot. L’impact est encore plus grand au Québec, où l’on produit 49 % du lait du Canada. Ça ne touche pas juste les producteurs, mais les transformateurs, nos fournisseurs, nos vétérinaires, nos agronomes, nos inséminateurs», énumère-t-il. Avec l’AEUMC, M. Julien voit la gestion de l’offre «solidement ébranlée». Ce modèle, qui permet aux producteurs de tirer leurs revenus du marché plutôt que de subventions gouvernementales, englobe un contrôle des frontières. «On a des tarifs douaniers élevés pour protéger nos frontières. Le gouvernement ne baisse pas les tarifs, mais il accorde des accès (hausse des produits importés) à chaque négociation», observe le producteur de Sainte-Martine. Le jeudi 11 octobre, Réjean Julien a accueilli à sa ferme les sénateurs André Pratte et Julie Miville-Dechêne. Il avait invité six collègues producteurs. Les deux sénateurs se sont présentés à Sainte-Martine pour discuter de moyens pour compenser les pertes en agriculture. Les producteurs ne sont pas rendus à cette étape, fait part M. Julien en précisant que les sénateurs poursuivront leurs réflexions sur le sujet.