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Don de vêtements neufs, mais abimés volontairement à Candiac

le jeudi 19 mai 2022
Modifié à 13 h 17 min le 20 mai 2022
Par Audrey Leduc-Brodeur

aleduc-brodeur@gravitemedia.com

Près d’une dizaine de chandails Under Armor cisaillés ont été laissés à la Corne d’abondance à Candiac en avril. (Photos gracieuseté)

L’organisme la Corne d’abondance à Candiac a trouvé des chandails neufs de marque luxueuse dans sa cloche à dons, en avril. Le hic est que plusieurs d’entre eux sont abimés, ce qui les rend invendables. La possibilité qu'ils aient été abimés intentionnellement n'est pas écartée.

En effectuant le tri, une bénévole de la friperie située boul. Montcalm est tombée sur près de 10 chandails sport pour homme dans un état impeccable. Tous portaient toutefois la marque subtile d’un coup de couteau à l’avant, a-t-elle ensuite constaté.

Pour Joanne Audet, responsable des communications de l’organisme qui a vu les morceaux endommagés, il ne fait aucun doute qu’un «acte volontaire» en est à l’origine.

«Ça arrive à l’occasion de recevoir des vêtements abimés, mais pas de cette façon. On ne peut rien faire avec eux», se désole-t-elle, tout en déplorant le temps perdu au tri d’objets impossibles à vendre.

Entente

De son côté, le Complexe le partage qui opère les friperies La Voûte à La Prairie et Saint-Constant n’a jamais fait face à cette situation, a répondu au Journal Frédéric Côté, directeur général.

L’organisme collabore avec des boutiques locales et des distributeurs de vêtements en vertu d’ententes pour obtenir des produits neufs et intacts qui n’ont pas trouvé preneurs.

«Cela nous permet de vendre des vêtements jamais portés à des prix bien moins chers et de financer nos services de banque alimentaire pour les familles de la région», explique-t-il.

Une intervenante de l’industrie de la mode que Le Reflet a contactée croit que cette histoire n’est pas sans rappeler celle des boutiques Dynamite, qui avaient été prises à abîmer intentionnellement leur stock neuf et à le jeter dans des conteneurs, en 2016.

Interpellé par le Journal, le bureau du député fédéral de La Prairie, Alain Therrien, souligne que cette «pratique n’est malheureusement pas encadrée par la loi. Les détaillants ne reçoivent pas de remboursement de marchandise lorsque celle-ci est invendue. Ils cisaillent donc leurs marchandises restantes pour protéger l’image de leur marque et la rareté de celle-ci.»

Aucune loi n’existe au Canada et au Québec pour prévenir cette manœuvre «bien critiquée et immorale», ajoute-t-il. 

Remboursement

Par ailleurs, des commerces peuvent se faire rembourser des vêtements invendus s'ils sont été abimés durant le transport vers le pays, par exemple.

«Pour chaque vêtement qui entre au Canada, il faut payer un montant à la douane, selon la charte des produits. Puis, si le commerce estime qu’il y a un défaut sur le lot reçu, il peut en réclamer une partie», détaille une responsable de développement de produits qui préfère garder l'anonymat. 

«Il existe autant de raisons sur Terre que de raisons pour refuser de vendre un vêtement, ajoute-t-elle. Une fleur croche, une manche un peu trop longue, etc.»

Un douanier doit cependant être présent au moment où les vêtements neufs sont détruits à leur arrivée au pays, précise-t-elle. Ceux-ci sont ensuite jetés.

Bien que la gestionnaire reconnaisse l’immoralité de la chose, elle rappelle qu’il n’y a aucun autre moyen pour le douanier de savoir si la boutique ne changera pas d’avis et vendra le vêtement après avoir été remboursée.

Elle dit comprendre la frustration des organismes communautaires qui préféreraient recevoir ces lots invendus plutôt que de les voir atterrir à la poubelle.

«Mais ce n’est la faute de personne», estime-t-elle.