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Hécatombe chez les abeilles en ce début de saison

le jeudi 05 mai 2022
Modifié à 10 h 26 min le 05 mai 2022
Par Yanick Michaud

ymichaud@gravitemedia.com

Joël Laberge tente de trouver des réponses aux nombreuses questions que se posent les apiculteurs en cette saison démoralisante. (Photo : Journal Saint-François - Gracieuseté)

Pour Joël Laberge, apiculteur professionnel et propriétaire de la Miellerie Saint-Stanislas, la situation vécue actuellement par ses pairs producteurs de miel et leurs abeilles, est vivement préoccupante, sinon critique.

« Il n’est pas minuit moins une, il est presque déjà trop tard. On avait prédit que la situation serait inquiétante ce printemps pour tout le Québec et le Canada, mais c’est pire que ce à quoi on s’attendait. Il y a des pertes entre 60 et 90 % des colonies pour les producteurs, c’est majeur. Tout ce qui est au sud du fleuve, c’est plus de 60 % dans les zones agricoles. Ce serait, selon les plus récentes estimations, la deuxième pire perte de l’histoire », lance celui qui voit à importer des abeilles et leurs reines pour répondre à la demande des producteurs qui se montrent inquiets et plutôt mal pris.

Actuellement, les apiculteurs ouvrent les ruches pour voir l’état des colonies et c’est la dévastation pour une majorité d’entre eux.

Pas nécessairement le varroa

Toutefois, Joël Laberge ne pointe pas directement le varroa. « Oui c’est vrai que le varroa affaiblit le système immunitaire de nos abeilles. Mais il est là depuis 1990 et on a appris à vivre avec, à traiter nos abeilles. Il entraîne des pertes de 10 à 15 %, ce qui est normal, mais là, ça va plus loin que ça », explique-t-il au sujet de cette menace pour les abeilles mellifères.

Il s’agit d’un parasite externe de taille relativement grande qui se nourrit des liquides organiques des abeilles mellifères adultes ou en développement. Il blesse les abeilles et celles-ci deviennent plus fragiles. « Il ouvre le dos et lorsque l’infection s’empare d’elles, c’est difficile d’en guérir. »

L’apiculteur pointe plutôt en direction de nouveaux phénomènes parmi les facteurs importants de dévastation. « La monoculture, les effets et les changements climatiques, l’utilisation de pesticides, mais surtout l’arrosage du soya en septembre avec des fongicides qui ont un impact néfaste sur nos ruches », plaide Joël Laberge.

Les enfants de Joël Laberge, Sébastien et Mélanie sont des spécialistes en ce qui concerne l’élevage des reines.   (Photo : Journal Saint-François - Gracieuseté)

Des producteurs durement impactés

Outre les apiculteurs qui risquent de payer cher ces pertes, les producteurs de petits fruits, les maraîchers, les propriétaires de vergers vont avoir de la difficulté à s’y retrouver cette année. « À Niagara, il y a environ 92 % en moyenne de pertes. C’est un impact pour l’industrie de la pollinisation. Le vin, les pêches. Ici, au Lac-Saint-Jean, par exemple, il y aura un manque de 80 % des pollinisateurs pour la production de bleuets. C’est la même chose dans les vergers, dans les cannebergières. Ça prend des abeilles pour polliniser et il n’y en aura pas. Tout le monde paiera pour ça. Le Québec doit bouger parce qu’on veut l’autonomie et la souveraineté alimentaire, on n’y arrivera pas si on ne bouge pas », prétend-il.

Le fédéral doit aussi s’activer pour autoriser la réouverture des frontières avec les États-Unis. « Je le sais, je suis importateur d’abeilles et de reines pour l’Est du Canada. On a reçu seulement six avions de l’Australie avec 500 paquets d’abeilles et de reines dans chaque. Il manque au moins 19 autres avions pour répondre aux urgences. Si on ouvre la frontière américaine, fermée depuis la COVID, on pourra importer des ruches de la Californie. Ils en ont 1,8 million de disponibles, et ce serait possiblement moins dispendieux », dit Joël Laberge, le plus important apiculteur de la Montérégie, qui roulera à 1100 ou 1200 ruches cette saison, dépendant de la météo, contrairement aux 1600 prévues.

Des caisses et des palettes d’abeilles proviennent de l’Australie, mais ne suffisent par pour répondre à la demande. (Photo : Journal Saint-François - Gracieuseté) 

Selon lui, il faudrait changer le protocole pour améliorer l’accès. « J’aurais 10 000 ruches disponibles demain matin, et je trouverais preneur partout au Québec et en Ontario. On a de la difficulté à voir la lumière au bout du tunnel », conclut-il.

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