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La tanche, une autre espèce envahissante dans nos eaux

le vendredi 15 novembre 2019
Modifié à 8 h 38 min le 15 novembre 2019
Par Valérie Gagnon

vgagnon@gravitemedia.com

Après les moules zébrées, le gobie à taches noires et les carpes asiatiques, voilà qu’une autre espèce envahissante, la tanche, menace la faune et la flore aquatique de la région. C’est ce que révèle une récente étude rendue publique le 28 octobre par le Centre des espèces envahissantes (Invasive Species Centre), un organisme sans but lucratif ontarien consacré à la prévention des espèces envahissantes. L’étude réalisée par le Dr Anthony Ricciardi, enseignant au Musée Redpath et à la McGill School of Environment démontre que la tanche a été aperçue en grande nombre dans le fleuve Saint-Laurent et pourrait même atteindre les Grands Lacs. « La tanche colonisera probablement les Grands Lacs très prochainement, ajoutant ainsi un autre envahisseur à ce qui est déjà l’écosystème d’eau douce le plus envahi au monde », estime le Dr Ricciardi.

Importée d’Allemagne

La tanche est un poisson de fond originaire d’Europe qui a été importé au Québec en provenance d’Allemagne à la fin des années 80 par un agriculteur riverain de la rivière Richelieu. Celui-ci les conservait alors dans des étangs afin d’en faire l’élevage, mais les specimen ont réussi à gagner la rivière Richelieu en 1991, après que l’éleveur eût constaté qu’il n’y avait pas de débouchés pour son produit. Plus tard, en 2006, des specimen de tanche ont été observés dans le fleuve à la hauteur du lac St-Pierre. Depuis, la tanche s’est répandue en aval jusqu’à Québec puis en amont jusqu’à Montréal. À l’automne 2018, un specimen a été pêché dans la baie de Quinte, dans le lac Ontario.
(Photo MFFP – Steffen Zienert)
Guide de pêche professionnel dans la région, Nicolas Gendron connait la tanche depuis maintenant quelques années, dit-il. « C’est sur la rivière Richelieu (entre St-Jean et St-Paul de l’île-aux-Noix) que j’en ai vus pour la première fois. Cette rivière est infestée malheureusement. C’est un poisson nuisible qui fera du dommage à long terme. Ils mangent beaucoup et affectionnent les endroits où fraient d’autres poissons comme l’achigan à grande bouche. » « Pour la première fois, à ma grande surprise, j’ai vu quelques tanches sur le lac St-Louis cet été. Donc, il doit nécessairement en avoir dans le lac des Deux Montagnes et la rivière des Outaouais », poursuit Nicolas Gendron, qui mentionne toutefois n’avoir encore rien vu de tel dans le lac Saint-François. Selon le Centre des espèces envahissantes, des recherches publiées indiquent que cette espèce peut concurrencer d’autres poissons de fond, transmettre des parasites et des maladies à d’autres poissons, dégrader la clarté de l’eau dans les lacs et les zones humides peu profonds, limiter la croissance des plantes immergées, réduire les populations d’invertébrés qui servent de nourriture à d’autres poissons et promouvoir croissance des algues de fond. Il est aussi considéré comme une menace potentielle pour le chevalier cuivré, une espèce en voie de disparition, la seule espèce de vertébré indigène du Québec. De plus, la tanche peut tolérer des températures allant de 0 à 38° C, ce qui lui confère un avantage par rapport à de nombreuses espèces indigènes dans un climat qui se réchauffe rapidement.