Opinion

La toile de la pandémie

le vendredi 26 novembre 2021
Modifié à 14 h 32 min le 26 novembre 2021
Par Hélène Gingras

hgingras@gravitemedia.com

J’ai presque fini cette toile à numéros. (Photo: Le Reflet – Hélène Gingras)

Avez-vous un talent artistique?


Je dessine des bonhommes allumettes comme un enfant de 4 ans. Je chante comme une casserole. J’ai abandonné une session de danse aérobie parce que je manquais de coordination pour suivre le prof. J’ai peut-être certains talents, mais pas dans le domaine artistique.
Aussi, quand j’ai acheté cette peinture à numéros cet hiver, je me suis dit que c’était un projet à la hauteur de mon talent! Au final, on devrait découvrir un lion coloré. Parce que la toile compte une vingtaine de couleurs à appliquer. Il m’en reste trois ou quatre parce que je n’y ai pas touché depuis quelques semaines.
J’ai l’intention de l’accrocher dans mon bureau. Puis de la garder pour toujours. Parce qu’elle a une valeur sentimentale. Que je l’ai associée à un projet pendant la pandémie. 
Pour mes collègues et mon entourage, ce ne sera qu’une vulgaire peinture à numéros. Tout au plus une pâle réalisation copiée. Ils n’y verront probablement rien d’autre qu’un lion beaucoup trop coloré.
Alors que je vois déjà des milliers de choses lorsque mon regard s’y attarde.
À commencer par l’excitation qui s’emparait de moi les premiers jours où j’ai commencé à la peindre. Il était suggéré d’appliquer le noir au début. Il m’a suffi de trois ou quatre séances pour que le lion prenne vie. Dévoile ses traits. J’ai aussitôt aimé le contraste sur la toile blanche. J’ai presque eu envie de m’arrêter là. L’œuvre aurait pu être achevée ou inachevée ainsi. En noir et blanc.
Aussitôt mon premier coup de pinceau donné, j’ai aimé ça. À un tel point que je me limitais chaque jour. Par crainte de terminer la toile trop rapidement. Aujourd’hui pourtant, ça me semble un peu aberrant...
Je me revois aussi pendant mes vacances d’hiver au comptoir de la cuisine. À m’appliquer soigneusement alors que la lumière du jour me permet d’y voir clair. Puis, au chalet loué cet été. Dehors sur le balcon, notamment.
Je me rappelle précisément avoir appliqué la peinture orange à la fin de l’été. Un dimanche. Dehors sous le gazebo. Assise sur mon nouvel ensemble de patio qui a mis des mois avant d’être livré.
Oui, au premier regard, c’est une peinture au sujet d’un lion coloré. Mais tout est dans l’œil de celui qui regarde. Et c’est tout ce qui compte. 


«L’œil est la plus belle salle de rendez-vous.»
-Malcom de Chazal