chronique
Opinion

Le cancer du travail de nuit

le mardi 10 mai 2016
Modifié à 0 h 00 min le 10 mai 2016
Par Michel Thibault

mthibault@gravitemedia.com

Crapaud, blaireau, diable de Tasmanie, tatou à neuf bandes, infirmière. Quel être vivant diffère des autres dans cette liste ?

L’infirmière, bien sûr.

Pourquoi ? Le crapaud, le blaireau, le diable de Tasmanie et le tatou à neuf bandes sont tous des animaux nocturnes. L’être humain est diurne. Mais notre société l’a oublié.

Pour mettre du pain sur leur table, plusieurs acceptent d’adopter l’horaire de la chauve-souris. Parfois moyennant une prime de nuit. Mais le prix à payer pourrait être pire que prévu.

Pour en avoir fait l’expérience, j’estime personnellement que travailler pendant que la majorité de nos concitoyens ronflent, c’est l’enfer ! Notre corps est conçu pour dormir la nuit. Et il veille à nous le rappeler quand on gagne sa croûte aux petites heures du matin. On cogne des clous, la concentration se fane. Et, de l’autre côté, essayer de dormir quand le soleil brille et que toute la ville s’active, ce n’est pas de tout repos.

On pourrait penser qu’il ne s’agit là que de quelques inconvénients auxquels le corps finit par s’adapter. Nenni. L’impact sur la santé serait en fait assez grave. Il faudrait, en effet, penser à afficher les offres d’emplois de nuit avec des mises en garde comme celles imprimées sur les paquets de cigarettes.

Selon des études aux conclusions rapportées dans plusieurs médias comme «Science et vie», «La Presse», «Le Monde» et le site internet de l’INRS, le travail de nuit pourrait augmenter le risque de cancer, notamment du sein, chez les infirmières.

Selon les chercheurs, le dormeur secrète pendant son sommeil une hormone, la mélatonine, bénéfique pour le système immunitaire et aux propriétés anti-cancérigènes. L’état d’éveil, la nuit, la présence de lumière, amoindrirait la sécrétion de mélatonine et réduirait ainsi la protection qu’elle procure. La production d’œstrogène liée au cancer du sein serait aussi augmentée.

À cause de l’impact de leurs produits sur la santé, des compagnies de tabac ont été condamnées en 2015 à payer 15 milliards $ à des fumeurs.

Les gouvernements et entreprises offrant des quarts de nuit devront-ils passer à la caisse de la même manière un jour ?

L’idée n’est pas totalement farfelue.

Un pays n’a pas attendu d’être ciblé par un recours collectif pour ouvrir son porte-monnaie à ses travailleurs nocturnes. Le Danemark, en 2007, a indemnisé 37 femmes victimes du cancer du sein après plusieurs années de travail de nuit.

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