Faits divers

Le pire feu de leur carrière, disent des pompiers de Châteauguay

le mercredi 30 mars 2016
Modifié à 0 h 00 min le 30 mars 2016
Par Michel Thibault

mthibault@gravitemedia.com

Les premiers pompiers arrivés au Domaine des érables où a résonné une alarme incendie dans la soirée du 24 mars sont unanimes : c’est le pire feu de leur carrière. Un travail d’équipe «colossal» a permis de sauver tous les occupants du complexe de quelque 200 logements répartis sur 4 étages, ont-ils confié en entrevue à la caserne de Châteauguauy le matin de Pâques.

«Ç’a été le pire feu à gérer à cause du monde qui était à l’intérieur. Le monde ne sortait pas. On les voyait par les fenêtres regarder la télévision. Quand on voit les gens dans les appartements et qu’on voit l’ampleur du feu, on espère qu’on va avoir le temps de tous les sortir», a résumé Daniel Primeau, un pompier de 35 ans d’expérience.

Il y avait parmi les locataires plusieurs personnes âgées ayant de la difficulté à se déplacer. Ils n’ont pas réagi à cause de nombreuses fausses alertes. «Je ne voulais pas sortir. J’ai même barré ma porte. Je pensais que c’était sûrement encore quelqu’un qui avait fait brûler des toasts», a confié au journal Angeliki Niotakis, rencontrée à une réunion pour les sinistrés.

Les pompiers ont donc dû attaquer le feu, procéder à l’évacuation de personnes à mobilité réduite et composer avec des proches présents très inquiets pour leurs parents dans l’immeuble, a fait valoir le capitaine Paul Durand. «On avait beaucoup de stress à gérer. Autant du côté des citoyens que du côté des sinistrés», a-t-il souligné.

Schéma de risques

Comment a-t-il été possible de sauver tous les occupants de l’immeuble alors que le feu faisait rage ? «On a prouvé que l’unité fait la force», a indiqué le capitaine Durand.

Sous la direction du chef aux opérations Luc Guérin, chaque pompier a accompli la mission qui lui était dévolue. «Le chef a géré ça d’une main de maître», a apprécié le capitaine.

L’équipe c’est les pompiers de Châteauguay et des villes voisines arrivés en renfort, les policiers, les ambulanciers, la répartition, la Croix-Rouge, les bénévoles de l’Unité communautaire de mesures d’urgences et les dirigeants de la municipalité, ont considéré les combattants du feu interviewés.

La présence de dix pompiers en devoir à la caserne de Châteauguay en tout temps conformément au schéma de couverture de risques en sécurité incendie prescrit par le gouvernement a fait la différence, selon Paul Durand. «Châteauguay est l’une des seules villes de la région qui fait le schéma de risque. On a prouvé que ça valait la peine», a-t-il affirmé. «Une chance qu’on a ici : c’est structuré. Chacun a une tâche. On a l’avantage d’être prêts», a considéré Benoit Matte.

Quelques faits saillants

Chercher le feu

Alarme incendie en fonction à 21h45 au 129 et 131, boulevard Maple. Les dix premiers pompiers arrivent sur les lieux. Opérateur de l’autopompe, Benoit Matte entre dans sa bulle dès que le frein à main du véhicule est tiré. Ses collègues ont disparu. Ils commencent l’évacuation, la recherche du feu. M. Matte leur fournit l’eau nécessaire au combat.

Une épaisse fumée encombre le sous-sol du plafond au plancher. «Dans le département des sécheuses, il n’y a rien. Le pompier Auger touche la porte des lockers. La porte est brûlante», raconte le lieutenant Luc Bissonnette. C’est là que le combat commence.

Visibilité nulle     

L’immeuble n’a pas de gicleurs mais un cabinet d’incendie où les pompiers peuvent raccorder des boyaux et obtenir de l’eau. «Notre job, c’était de trouver le cabinet dans la fumée pour pouvoir contrôler l’incendie le plus rapidement possible. C’était difficile parce qu’on ne voyait pas plus loin qu’à un pied, six pouces», indique le pompier Mathieu Lambert. La chaleur était infernale. «La visibilité était vraiment nulle», renchérit son collègue Martin Auger.

Chaleur épouvantable

Le feu faisait rage dans un lieu confiné. «Quand on faisait un jet d’eau, ça faisait comme une tire de cheminée. On était directement dans la sortie de la chaleur et de la fumée. Ça venait nous attaquer directement. Il fallait se baisser au sol», raconte M. Auger. «La chaleur était terrible. Un moment donné, j’ai mis un genou parterre et j’ai senti l’eau bouillante», dit M. Lambert.

Périlleux sauvetages       

L’évacuation des locataires pour la plupart âgés n’a pas été une sinécure. Plusieurs ne voulaient pas sortir, même ceux dans les appartements à proximité du foyer d’incendie. Et bon nombre se déplaçaient difficilement avec une canne ou une marchette. Comme les couloirs étaient enfumés, les gens ont dû sortir par les balcons par la grande échelle. Tout un défi. «Les gens avaient peur. Ils devaient enjamber le balcon. C’est comme si on leur demandait de sauter en bungee», ont dit les pompiers.

Entre autres, l’un d’eux, de l’équipe du capitaine Stéphane Denis, a descendu dans ses bras dans la grande échelle une dame de 80 ans évanouie. Ce, à partir du quatrième étage.

Deux chats réanimés

En plus des locataires, les pompiers ont sauvé deux chats. «On les a réanimés en leur donnant de l’oxygène. On sait que pour certaines personnes les animaux de compagnie peuvent être tout ce qu’elles ont dans la vie», a souligné Benoit Matte.