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L’éducation : une clé contre le racisme, dit une professionnelle de la santé de Kahnawake

le vendredi 23 octobre 2020
Modifié à 20 h 27 min le 23 octobre 2020
Par Vicky Girard

vgirard@gravitemedia.com

Le décès de Joyce Echaquan à Joliette le 28 septembre a levé le voile sur le racisme envers les autochtones, plus particulièrement dans le système de santé au Québec. À Kahnawake, où les membres de la communauté mohawk sont principalement soignés au Centre hospitalier Kateri-Memorial (KMHC) situé dans la communauté autochtone, il n’y a eu aucune surprise lorsque la vidéo de la femme atikamekw qui a été maltraitée et insultée par des infirmières a été publiée, mais la communauté mohawk a tout de même été scandalisée. «Cette tragédie a été captée sur vidéo, c’est la seule raison qui explique qu’elle a atteint le public comme elle l’a fait. Il n’y a aucun doute qu’il y a plusieurs incidents similaires – sinon pires – qui ne sont pas rapportés ou balayés sous le tapis par des établissements», exprime Lynda Delisle, directrice des services de soutien au KHMC. Pour elle, l’une des façons de combattre le racisme est à travers l’éducation à tous les niveaux. «La visibilité, de nous voir comme des professionnels dans le milieu de la santé, quelque chose d’aussi simple que de l’art autochtone dans les bâtiments, enverrait un message d’acceptation. Ce n’est pas seulement du ressort des Premières Nations de prendre ces initiatives, nous n’avons jamais cessé de le faire», soutient-elle. Mme Delisle ajoute que les Kahnawakeronons pourraient raconter des «histoires d’horreur au sujet de leur traitement dans les milieux hospitaliers». Elle cite quelques exemples tels que la langue «qui peut être utilisée comme une arme», un délai dans le service, des changements subtils d’attitude lorsqu’il devient apparent qu’un individu est d’origine autochtone, comme «l’évitement de contact visuel ou le roulement des yeux lorsque tu ne comprends pas ce qui est dit».

«Avec son dernier souffle, Mme Echaquan a souffert pour exposer le racisme que vivent les autochtones dans le système de la santé.» -Lynda Delisle, directrice des services de soutien au KMHC
Leur propre hôpital Kahnawake a son propre hôpital sur son territoire depuis 1905. «Au début, le climat était teinté de condescendance, en raison des missionnaires qui géraient l’endroit, mais au fil des ans, le souhait des Kahnawakeronons de répondre au besoin de la communauté à l’intérieur de la communauté nous a menés à travailler d’arrache-pied pour assurer que cet objectif soit atteint, raconte Mme Delisle. En 1984, une entente de Nation à Nation avec le Gouvernement du Québec sous René Lévesque a été signée, assurant que ce dernier fournirait le budget nécessaire pour le fonctionnement de l’hôpital. Selon elle, quand les résidents de Kahnawake sont traités au KMHC, «ils sont à la maison, sont confortables et connaissent l’environnement, le personnel et la langue». Il y a un sentiment de fierté d’avoir un hôpital sur le territoire autochtone, bâti par «nos hommes», avec du personnel de la communauté», souligne-t-elle. Traitement à l’extérieur du territoire Pour des chirurgies et certaines urgences, les Kahnawakeronons sont traités ailleurs, principalement à l’hôpital Anna-Laberge à Châteauguay, ainsi qu’aux centres hospitaliers Charles-Lemoyne et Pierre-Boucher à Longueuil. Historiquement, ils étaient traités à Montréal dans des établissements anglophones et plusieurs continuent de procéder ainsi. Le changement dans les corridors de service pour les soins dirige les résidents de Kahnawake sur la Rive-Sud par défaut, explique Mme Delisle. Lorsqu’ils sont transférés, elle ne cache pas qu’il y a une certaine appréhension et de l’anxiété chez les membres de la communauté. «C’est une combinaison du sérieux de leur condition médicale nécessitant un transfère et de l’inconnu face à comment ils seront traités. Il est pensé par une grande partie de la société que nous avons un "passage gratuit" pour plusieurs services, comme le transport ou la médication, et cela semble se traduire parfois en représailles des travailleurs de la santé», déplore-t-elle. Mme Delisle confie qu’il y a une bonne relation entre le KMHC et les autres hôpitaux. «Le KMHC s’est activement adressé aux autorités de la santé provinciales autant que celles de la Montérégie; un progrès encourageant a été effectué et se poursuit», laisse-t-elle savoir ajoutant que le KMHC fait également preuve d’ouverture en acceptant des patients hors de la communauté, «selon les ressources disponibles». Jade St-Jean, conseillère cadre aux relations médiatiques du Centre intégré de santé et de services sociaux de la Montérégie-Ouest (CISSSMO), explique qu'il y a deux communautés autochtones sur son territoire, soit d'Akwesasne et de Kahnawake. «Notre établissement a développé de bonnes relations avec les autorités des deux communautés et avons des communications sur une base régulière avec chacune d’elle, particulièrement depuis en période COVID alors que les échanges se sont intensifiés», fait-elle savoir. Un responsable du CISSSMO est attitré au traitement des dossiers autochtones. De plus, des rencontres officielles avec les communautés ont lieu une à deux fois par année. Durant la dernière année, l'équipe de direction a également visité les les installations de santé sur le territoire des deux communautés ce qui a permis de mieux comprendre leur réalité pour les soutenir, selon Mme St-Jean. Elle ajoute que des professionnels du CISSSMO collaborent également avec les communautés pour des projets de cliniques spécifiques. Puis, un programme pour l'accessibilité des services en anglais a été mis en place. Aucune réponse du gouvernement Après le tragique événement impliquant Joyce Echequan, Lynda Delisle considère que le gouvernement n’a pas répondu. «Le premier ministre Legault refuse de reconnaître le racisme systémique au Québec et la ministre des Affaires autochtones n’était nulle part», dit-elle. À ses yeux, «il n’y a d’autres choix que de reconnaître le racisme dans le milieu de la santé, il y a des exemples au quotidien; nous attendons toujours des actions au sujet du rapport Viens».