Actualités

Les élus suspendent le permis de démolition d'une maison centenaire

le mercredi 24 février 2021
Modifié à 12 h 02 min le 24 février 2021
Par Michel Thibault

mthibault@gravitemedia.com

Le conseil municipal de Châteauguay a suspendu le permis de démolition qu’il avait accordé pour la demeure centenaire située au 40, rue de la Bergerie. Des questions du Soleil de Châteauguay ont changé la donne, a laissé entendre le maire Pierre-Paul Routhier lors d’une assemblée spéciale du conseil, le 23 février. À la suite de la décision des élus d’autoriser la démolition en se basant sur le rapport de l’ingénieur Daniel Cliche concluant à sa vétusté, le journal a demandé à la Ville dans un courriel si celui-ci était aussi le promoteur du projet immobilier au 40, rue de la Bergerie ? C’était le cas. « Le 4e pouvoir a posé des questions et on est allé en profondeur », a expliqué le maire en assemblée le 23 février. « Le problème : c’est le promoteur lui-même qui affirme que c’est délabré. La base pour voter pour n’était pas transparente », a-t-il osbervé. « Je ne remets pas le rapport en question, a précisé Pierre-Paul Routhier. Le problème, c’est que la pièce maîtresse est produite par quelqu’un qui a un intérêt dans ça. » Il a souligné que l’information figurait dans la documentation fournie aux élus par les fonctionnaires pour prendre une décision sur le sujet. Le document de trois pages dont le journal a obtenu copie indique bien que le demandeur est « promoteur et ingénieur » et qu’il a lui-même fait l’évaluation. « Tous les membres du conseil, on a raté ça », a dit le maire. Des conseillers ont fait valoir en substance que l’enjeu ne sautait pas aux yeux. « Ce n’est pas souligné tant que ça. On me dit qu’il y a un rapport d’ingénieur, c’est là-dessus que je vote », a exprimé Eric Corbeil. « J’ai lu et relu le document et je ne trouve pas ça si clair », a renchéri Eric Allard. « Je suis d’accord, ce n’est pas clair sinon on n’aurait pas été aussi nombreux à ne pas l’avoir vu », a convenu le maire. Le conseiller François Le Borgne a rappelé qu’il avait voté contre l’octroi du permis de démolition mais pour des raisons de sauvegarde du patrimoine et pas en raison de l’enjeu soulevé. Il a observé que les membres du comité consultatif d’urbanisme et des fonctionnaires ne l’avaient pas vu non plus. « On a un problème de gouvernance », a-t-il estimé. Rapport indépendant Les élus ont finalement adopté à l’unanimité une motion visant à demander au promoteur un rapport d’ingénierie indépendant, cosigné par un architecte, concernant l’état du bâtiment situé au 40, rue de la Bergerie. Le geste suspend le permis de démolition. La Ville précise dans un communiqué le 24 février qu’elle « entend revoir certaines de ses règlementations dans le but d’apporter des améliorations aux processus d’octroi de mandats et de demandes d’étude des projets soumis pour éviter de tels imbroglios ». Réaction du promoteur Le promoteur a bien réagi à la décision de la municipalité. « C’est correct ce que la Ville fait. Elle fait son travail », a affirmé Daniel Cliche, ingénieur et président de Gestion Dclic, joint par Le Soleil de Châteauguay mercredi matin. Il a fait part qu’il attendait une communication de la municipalité pour la suite. Le projet L’entrepreneur souhaite démolir la résidence au 40, de la Bergerie pour ensuite diviser le terrain en 17 lots. Des résidences unifamiliales d’un et deux étages y seraient bâties. « On veut réaliser un développement durable. On veut que les gens soient contents », a affirmé M. Cliche au journal. Historique Datant d’avant 1920, le 40, rue de la Bergerie est inscrit à l’inventaire des bâtiments historiques de Châteauguay par la MRC de Roussillon, indique le document préparé par les employés de la Ville pour les élus. « Il s’agit d’un bâtiment de type vernaculaire ontarien, influence renaissance italienne datant de 1850-1860. Sur la fiche patrimoniale de la MRC, le bâtiment a une valeur exceptionnelle », lit-on. L’ancien maire de Châteauguay Joseph « Jos » Laberge a été propriétaire de l’endroit et l’a habité pendant quelques années. Sa fille José Laberge Ranger fait part que la maison a été construite vers 1880. Ses « grands-parents adorés », Arthur Napoléon Laberge et Annie Burgoyne l’ont acquise en 1900 et l’ont habitée jusqu’à leurs décès en 1958 et 1970 respectivement. « L’adresse de la maison était originalement le 114 du boulevard Salaberry Nord. La ferme s’étendait de la rivière jusqu’à la route 132 soit l’équivalent du boulevard Saint-Francis. À une époque on comptait 3 000 pommiers sur une partie de la ferme et Arthur Napoléon élevait des moutons d’où le nom de rue de la Bergerie qui était située face à la maison », raconte Mme Laberge Ranger. « La maison est devenue intergénérationnelle au mariage de mon père avec Denise Colpron en 1939. Ils ont également eu 6 enfants. Mon père est décédé en 1997 et ma mère a continué d’habiter à cette adresse jusqu’en 2009, année de son décès. » Recommandation Les membres du CCU suggéraient aux élus de vérifier la possibilité pour la Ville d’acquérir l’immeuble et le terrain adjacent pour en faire un musée et un parc avec stationnement pouvant être relié au parc Joseph Laberge, selon le document préparé par les employés municipaux. Le coût étant estimé à près de 2 M$, les élus ne retiennent pas cette option de l’achat. José Laberge Ranger ne proteste pas. « La Ville a-t-elle besoin d’une autre maison fantôme? Il y a bien plus de besoins communautaires que d’un musée à Châteauguay mais c’est un autre débat », considère-t-elle. Zone inondable Les employés de la Ville mentionnent dans leur document que les zones inondables sont à proximité du lot visé par la demande de démolition. « La carte des zones inondables est présentement en révision et elle entrera en vigueur en 2021. Lors de leur entrée en vigueur, nous saurons s’il est toujours possible de construire dans cette zone », écrivent-ils.