Actualités

Les finances de la Ville de Beauharnois pas si roses

le jeudi 07 juin 2018
Modifié à 16 h 15 min le 07 juin 2018
Par Michel Thibault

mthibault@gravitemedia.com

Le maire Bruno Tremblay a vertement critiqué la gestion de l’ancienne administration de la Ville de Beauharnois lors de la présentation des états financiers 2017 de la municipalité le 5 juin.
«L’idée c’est d’arrêter de se conter fleurette qu’on est riches comme Crésus» - Bruno Tremblay
En décembre 2016, au moment d’adopter le budget de l’année 2017 prévoyant une baisse d’impôt foncier, l’ex-maire Claude Haineault affirmait «la situation financière de la Ville de Beauharnois qui est actuellement excellente sera de plus en plus excellente». Les résultats de l’exercice financier 2017 offrent un portrait moins reluisant, a montré Bruno Tremblay à l’assemblée publique du conseil de Beauharnois de juin. Revenus et dépenses mal évalués Pour terminer l’année, la Ville a dû puiser 3,9 M $ dans son surplus en décembre, a rappelé le maire Tremblay. Au final, elle clôt l’exercice avec un «excédent» de 447 000 $. «Comment parler de surplus quand ces sommes sont dues à nos règlements d’emprunt. Est-ce une bonne façon de gérer ? Une bonne gestion ? Je crois que non», a-t-il déclaré. Bruno Tremblay a indiqué que plusieurs revenus avaient été surestimés dans le budget 2017. Par exemple, la vente de terrains a rapporté 2,1 M $ de moins et les revenus d’impôt foncier ont été inférieurs aux attentes de 1,1 M $. Pour obtenir ces revenus, il aurait fallu des investissements supplémentaires de l’ordre de 100 M $, a observé le maire Tremblay, en entrevue au Soleil de Châteauguay mercredi. L’homme qui a accédé à la mairie en novembre 2017 estime que l’administration précédente aurait dû réduire les dépenses en constatant que les revenus escomptés n’étaient pas au rendez-vous. «Aucune correction n’a été apportée en cours d’année. À partir du moment où les possibilités ne sont pas là, tu dois réajuster le tir», a affirmé Bruno Tremblay. Indicateurs pas respectés M. Tremblay était conseiller municipal de 2009 à 2013 quand l’administration de Claude Haineault a adopté son plan pour relancer Beauharnois. Il était d’accord, dit-il, avec le principe d’acheter des terrains pour développer le secteur industriel de la municipalité, les doter d’infrastructures puis les revendre pour en tirer des revenus. Il déplore que les indicateurs mis en place à l’époque pour contrôler le développement n’aient pas été respectés. «Aujourd’hui, force est de constater que les indicateurs ont été laissés pour compte pour ne pas dire complètement ignorés», a-t-il exprimé en assemblée. « Le problème c’est que le surplus est lié à la vente des terrains. Par exemple, une part des revenus provenant de la vente de terrains n’a pas servi comme le prévoit la loi et le règlement de la Ville à rembourser l’emprunt de 31 M $ pour les doter d’infrastructures», a affirmé Bruno Tremblay. Il a aussi pointé du doigt l’embauche de personnel. «La croissance des ressources humaines a été très largement supérieure aux prévisions du plan financier stratégique 2014 - 2020. Ainsi, la masse salariale en 2018 est portée à 10,9 M $ au lieu de 7,5 M $ prévu dans le cadre financier», a-t-il fait part. Avec une population de 13 110 âmes, Beauharnois compte 153 employés. Plus chers que prévu Bruno Tremblay a informé que plusieurs projets ont coûté beaucoup plus cher que prévu. Il cite entre autres le Complexe aquatique, la marina en chantier et «la rénovation de l’hôtel de ville au montant de 267 000 $ supplémentaires par rapport aux 252 000 prévus alors que seulement 60 % des travaux sont complétés. Et là-dessus je vous ferai grâce de l’installation de la climatisation à 155 000 $ et des autres dépenses qui avaient été réalisées en 2016». Le maire observe que la Ville, à l’époque, a décidé de confier les chantiers à ses employés pour «économiser». Dépenses critiquées Le maire a critiqué plusieurs dépenses de la municipalité. Il a pointé du doigt le party de Noël des employés à 25 000 $ et une vidéo présentant le bilan des activités de la Ville en 2017 au coût de 40 000 $. Le clip de 22 minutes avait été vu 1250 fois au moment d’écrire ces lignes. «Ça fait cher la vue», a opiné Bruno Tremblay. Il déplore aussi la somme de 1,2 M $ consacrée aux enseignes de la Ville. «Je suis d’accord que ça prend du glamour pour attirer les gens mais il y a des limites. 1,2 M$ pour des enseignes, c’est beaucoup quand on se fait interpeller parce qu’il y a des trous dans les trottoirs. Il faut se questionner sur les priorités», a-t-il exposé. «Force est de reconnaître que le luxe faisait place au gros bon sens», a-t-il lâché. Bruno Tremblay a aussi observé que les honoraires professionnels reliés aux ressources humaines avaient explosé en 2017. «Plus de 100 000 $ ont été dépensés à cet effet. La pertinence et la judiciarisation de plusieurs dossiers est fortement questionnable. La direction avait pris plusieurs mesures pour freiner la syndicalisation de plusieurs postes en procédant à des nominations au sein du personnel non syndiqué. Malheureusement cette tactique s’est avérée vaine. Et, aujourd’hui, nous devons réajuster le tir auprès de ses salariés», a-t-il détaillé. La Ville, selon lui, a donné le titre de cadre à 13 personnes pour éviter qu’elles soient syndiquées. «On avait un directeur qui était le directeur de lui-même», a imagé Bruno Tremblay. Le syndicat a contesté. Une bataille juridique s’est amorcée et la nouvelle administration a stoppé les procédures. 38 cases de stationnement «Plusieurs travaux ont été réalisés sans résolution du conseil et sans approbation des sources de financement», a soutenu Bruno Tremblay. Il a dénoncé l’aménagement d’un stationnement dans le secteur de la marina. «Non seulement, aucun montant n’a été prévu mais en plus nous devrons concéder 38 espaces de stationnement dans un bail emphytéotique de 100 ans sans aucune charge au locataire», a-t-il déploré. «Avant de concéder 38 cases de stationnement, il aurait fallu évaluer nos besoins. Avec la salle de 150 places prévue à la marina, on risque de manquer de place», a-t-il redouté. Le développement «va bien» mais Bruno Tremblay a assuré malgré tout que le développement «va bien» et que des investisseurs s’intéressent toujours à Beauharnois. «Il y a énormément de lignes tendues pour des projets. Mais il y a des délais significatifs. Actuellement, on a aucune vente de terrain prévue», a-t-il affirmé. Aucune vente de terrain en vue mais le budget de l’année 2018, adopté le 30 janvier, mise sur des revenus de ventes de terrains de 6,6 M$. S’ils ne sont pas au rendez-vous, la Ville devra encore piger dans son surplus pour éponger le manque à gagner, a indiqué Bruno Tremblay. Le conseil municipal va revoir la situation au cours des prochaines semaines et réévaluer ses indicateurs pour redresser la barre. Aux citoyens assistant à la présentation des états financiers, il a déclaré : «Je ne veux pas être rabat-joie mais il faut arrêter de vendre du rêve et de promettre des réductions de taxes avec la gestion qui nous a été léguée». Une pointe de déception a été perceptible dans l’assistance. «C’était trop beau pour être vrai», a réagi un citoyen. «On a rêvé beaucoup», a renchéri son voisin.