Mamans alliées contre donneurs de sperme en série
Un groupe de mères souhaite mettre les points sur les «i» aux donneurs de sperme X, Y et Z et entamer des démarches judiciaires contre eux. Ces hommes auraient engendré plus de 650 enfants, ces dernières années. Un nombre qui continue de croître, tout comme les risques de consanguinité, de transmissions de maladies génétiques ou de traumatismes psychologiques potentiels.
Le documentaire Père 100 enfants diffusé sur Crave avait levé le voile sur trois donneurs de sperme en série. Les inquiétudes mises en lumière avaient amené l’Institut national de santé publique du Québec et le Collège des médecins à réagir. Le cabinet du ministre de la Santé avait parlé de faits préoccupants. Or, depuis la diffusion des épisodes ce printemps, rien n’a été fait. Deux donneurs continueraient même de fournir leur sperme.
«J’ai la détermination de faire en sorte qu’ils arrêtent, a confié celle qui se fait appeler Laurie. Avec la présentation du documentaire, j’espérais que les donneurs auraient peur et arrêtent ou que le gouvernement bouge. Mais ils [les donneurs] semblent déterminés plus que jamais à continuer.»
Elles sont plus de 250 femmes en contact, de la Rive-Sud, de Montréal, la Rive-Nord et ailleurs, toutes avec des histoires reliées aux donneurs X, Y et Z.
Un choc
Son histoire est troublante. Laurie dit avoir subi un énorme choc lorsqu’elle a appris qu’elle était probablement l’une des pires victimes. Elle a eu trois enfants via le donneur X. Pour l’enfant suivant, elle a changé de donneur. Celui-ci lui avait mentionné ne pas connaître X. Ce qui était faux puisqu’il est désormais connu comme le comme le donneur Y, soit son fils. «Pour moi, ça été énormément difficile à accepter, a-t-elle confié. Je me sens coupable.»
Valérie F. est une autre femme qui fait partie du regroupement de maman. Celle-ci a fait affaire avec le donneur Z en clinique de fertilité. Contactée par les documentaristes, elle a appris par un test ADN qu’elle avait eu affaire à un donneur en série. «J’ai vraiment eu un gros choc, a-t-elle avancé. Je suis allé en clinique parce que je ne voulais pas de lien quelconque avec le donneur. Désormais, je peux mettre un visage sur cette personne. Je sais qu’il y est et en plus qu’il est relié à 650 enfants.»
Celle-ci se dit abandonnée par sa clinique.
Injonction interlocutoire
Laurie porte le dossier qui a été recueilli par la firme Trudel Johnston & Lespérance. «J’ai une énorme pression, ressent-elle. Je ne veux pas décevoir les mères.»
Pour le moment, elle souhaite entamer une injonction interlocutoire à l’endroit des trois hommes. Une procédure qui, en attente d’un procès, forceraient les donneurs à arrêter leur pratique sous peine d’amende ou d’emprisonnement.
Une jurisprudence existe au Pays-Bas. Un homme avait engendré plus de 500 enfants. Le tribunal hollandais lui a ordonné de cesser de donner son sperme sous peine de sanctions. Les risques sur la santé psychosociale des enfants et les risques d’inceste et de consanguinité ont été pris en considération dans sa décision.
Une campagne de sociofinancement est en ligne depuis le mois de février et a permis de récolter plus de 20 000 $ en date du 19 septembre.
Outre les procédures judiciaires, le gouvernement pourrait encadrer le don de sperme de façon légale. Mais les femmes avec qui Le Courrier du Sud a discuté ont l’impression que rien n’a été fait, sauf de belles promesses, depuis la diffusion du documentaire.
Le 19 septembre, le ministre de la Santé Christian Dubé a dévoilé à Noovo un aperçu de son Plan d'action pour encadrer l'accès sécuritaire aux dons de sperme.
ll inclut un soutien aux femmes ayant eu recours aux dons artisanaux et aux enfants qui en sont issus.