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Meurtres et disparitions non résolus : « En parler, c’est donner de la visibilité »

le dimanche 21 mars 2021
Modifié à 13 h 55 min le 22 mars 2021
Par Katherine Harvey-Pinard

kharvey-pinard@gravitemedia.com

Stéphane Luce a lancé en mars 2017 l’organisme Meurtres et disparitions irrésolus du Québec (MDIQ), dont la mission est de donner de la visibilité aux victimes oubliées. Il applaudit les initiatives comme celles de Marie-Pierre Longpré: «En parler, c’est donner de la visibilité», dit-il. À lire aussi : Histoires sordides : un nouveau balado à saveur locale Avant de se lancer dans son premier épisode au sujet de Jenique Dalcourt, Marie-Pierre Longpré a contacté Stéphane Luce et le Service de police de l’agglomération de Longueuil (SPAL) afin de les informer de son projet. Le président de MDIQ a écouté ses épisodes avec enthousiasme et se dit même prêt à collaborer avec si elle si elle le souhaite un de ces jours. «De la façon que Marie-Pierre le fait, c’est assez simple et précis, avec beaucoup de respect, fait-il remarquer. Elle ne va pas dans le sensationnalisme. C’est quelque chose de bien important. C’est vraiment pour informer les gens. Je suis impressionné, je trouve qu’elle a le tour.» «Mon balado ne sera pas écouté par quatre millions d’auditeurs, je suis très consciente de la portée que je peux avoir, mais même si c’est 200 personnes, c’est déjà 200 personnes qui réentendent parler de Jenique Dalcourt», mentionne pour sa part Mme Longpré. Roxanne Luce Stéphane Luce a lui-même été affecté par un crime non résolu il y a près de 40 ans, alors que sa mère, Roxanne Luce, a été assassinée dans son sommeil dans sa demeure de Longueuil, dans la nuit du 1er au 2 avril 1981. Au moment des faits, le jeune Stéphane, âgé de 13 ans, était pensionnaire à l’Académie Michèle-Provost à Montréal. Sa sœur de 11 ans, handicapée intellectuellement, était aussi absente. «On a deux versions différentes, la police et moi, révèle M. Luce. On va utiliser celle de la police: quelqu’un est entré dans la maison et aurait tenté de la tuer dans son lit pendant qu’elle était couchée. Elle a baigné dans son sang pendant 12 heures.» C’est le frère de Mme Luce qui l’a retrouvée dans son lit. Elle a succombé à ses blessures le 4 avril. «Elle n’a jamais parlé, donc on n’a jamais eu d’indices réels sur ce qui s’est passé», fait savoir M. Luce. Le seul suspect dans l’affaire, le petit ami de sa mère à l’époque, refuse encore aujourd’hui de parler à la police. «Les gens qui refusent de parler aujourd’hui pour aider dans une enquête, ça veut dire beaucoup de choses», souffle-t-il. M. Luce souligne le travail des policiers de Longueuil qui, encore aujourd'hui, travaillent sur le dossier, dit-il. Un potentiel de 977 meurtriers en liberté Aujourd’hui résident de Sherbrooke, Stéphane Luce a été administrateur de l’Association des familles de personnes assassinées ou disparues pendant huit ans. «L’Association était plus faite pour accompagner les familles en cour ou ces choses-là, tandis que les familles qui n’avaient pas de résolution, elles n’avaient pas de services, se souvient-il. Le seul service qu’on peut réellement leur offrir, c’est du travail de terrain, d’aller chercher de l’information, de ne pas oublier les victimes.» C’est pour cette raison qu’il a lancé MDIQ. «J’ai perdu un petit peu espoir dans le cas de ma mère parce que les preuves ont été détruites et que le suspect ne parlera jamais. Ma façon à moi d’avoir espoir, c’est à travers d’autres cas.» La base de données de MDIQ contient 977 dossiers au Québec et un peu plus de 4 000 au Canada. «C’est donc un potentiel de 977 meurtriers en liberté, qui n’ont jamais payé pour leur crime. Quand on regarde les chiffres d’une autre façon, c’est comme ça qu’on se rend compte qu’on est drôlement entourés», laisse-t-il entendre. L’organisme organise des recherches sur le terrain et déploie des affiches de victimes sur des camions qui voyagent à travers le Québec. Présentement, ce sont 109 familles de la province qui bénéficient du soutien de l’organisme. Ce dernier a d’ailleurs fourni de nouveaux témoins à la Sûreté du Québec dans différents dossiers. «Peut-être que ç’a donné du positif dans l’enquête, peut-être que ça n’a rien donné, dit M. Luce. Moi je me dis que si on envoie un témoin, c’est déjà un pas en avant. Les gens qui témoignent après autant d’années, habituellement, ce sont des gens qui ont quelque chose à dire.» À lire aussi : Cinq meurtres et disparition non-résolus dans la région depuis les années 1970