Course à pied

Percé-Montréal en 15 jours : les folles vacances d’un ultramarathonien

le lundi 31 août 2020
Modifié à 13 h 53 min le 31 août 2020
Par Katherine Harvey-Pinard

kharvey-pinard@gravitemedia.com

Joan Roch, de Longueuil, a parcouru l’équivalent de deux marathons par jour pendant 15 jours entre le cap Mont-Joli, à Percé, et le belvédère Kondiaronk, sur le Mont-Royal, à Montréal. Une aventure totalement imprévue de 1135 kilomètres qui lui en a fait voir de toutes les couleurs, du 4 au 19 août. Chaque hiver, Joan Roch traverse quotidiennement le fleuve Saint-Laurent sur la glace. Lorsqu’il a appris que les trois courses auxquelles il devait prendre part aux États-Unis cet été étaient annulées, il s’est posé une question toute simple: «Mais il ressemble à quoi, le reste du fleuve?» Après avoir rapidement élaboré un itinéraire, l’athlète a fait part de son plan à son ami, l’ultramarathonien et acteur Patrice Godin. «Percé – belvédère Kandiaronk, 1090 km en 9 ou 10 jours», a-t-il écrit dans un message texte. «Ça c’est cool», lui a répondu son ami. C’était là le «début et la fin de la réflexion», dit M. Roch. Deux semaines et demie plus tard, il se retrouvait seul dans un autobus muni de ses sandales et de son habit de coureur, direction Percé. Sans équipe et sans plan, sauf celui de parcourir 80 km par jour. Brûlé, littéralement Arrivé à Percé, M. Roch a récupéré une lettre de la mairesse Cathy Poirier adressée à la mairesse de Montréal, Valérie Plante. Son objectif? Apporter la missive à bon port. La première journée s’est avérée plus difficile que prévue, admet-il, «mais ce n’est rien par rapport au deuxième jour». C’est là que le soleil a fait son apparition, et pas qu’un peu. M. Roch s’est rapidement retrouvé à la limite de l’insolation. «Je n’ai pas bronzé, j’ai brûlé, littéralement. Ma peau se défaisait en morceaux pendant quelques jours», se souvient-il. Puis, la malchance a fait son œuvre: le coureur s’est mis à avoir mal à la jambe. Pied et cheville enflés, il a couru quatre autres jours avant de se rendre à l’évidence: la douleur était «insupportable». Il a donc pris une journée de pause, où il en a profité pour aller consulter une physiothérapeute, qui l’a référé à un médecin, qui l’a envoyé à l’urgence. Là-bas, on lui a diagnostiqué une infection bactérienne, laquelle se traite avec des antibiotiques. M. Roch a donc pu poursuivre son périple sans craindre de se blesser. Des rencontres marquantes

Joan Roch, à la maison, s’est prêté au jeu de l’«anti-casting» proposé par le photographe. (Photo: Le Courrier du Sud - Denis Germain)
Tout au long de son aventure, Joan Roch avait sur lui une balise GPS qui permettait aux Québécois de suivre son trajet sur une carte interactive. Ainsi, le Longueuillois n’a jamais vraiment été seul. «J’ai toujours eu des gens qui sont venus me rejoindre, qui m’apportaient à boire ou à manger, dit-il. À partir du troisième jour, j’étais toujours hébergé.» Sa conjointe coordonnait le tout à partir de Montréal. Les gens venaient le chercher, lui préparaient à manger, lavaient ses vêtements, l’hébergeaient et allaient le reconduire le lendemain matin afin qu’il poursuive sa route. «Toutes ces rencontres, je ne m’attendais pas à ça, ajoute-t-il. Surtout en ce moment avec le virus, on est méfiant des autres, on se tient à l’écart. Là, ç’a créé l’effet inverse. Les gens pouvaient aider quelqu’un, rendre service.» Après qu’il ait passé la ville de Québec, des coureurs se joignaient à lui tous les jours, du matin au soir. «Si les gens n’avaient pas été là, j’aurais abandonné.»

«Ce n’était plus ma course, c’était notre course à tous.» -Joan Roch
Une arrivée émotive Arrivé à Longueuil, l’ultramarathonien a dormi dans sa demeure. Ce soir-là, il a consulté la carte de son GPS pour la première fois. «J’ai constaté que ce sont mes pieds qui avaient tracé ce beau dessin sur la carte du Québec», dit-il. Le lendemain, il a parcouru les 15 derniers kilomètres qui le séparaient du Mont-Royal. Sa fiancée, qui a couru 200 km avec lui lors des 5 derniers jours, était à ses côtés. Leurs trois enfants les attendaient au sommet, où M. Roch a versé quelques larmes avant de remettre la lettre de la mairesse de Gaspé à un représentant de la mairie de Montréal. «Il y a des trucs que je ne comprends pas encore. Je suis passé au travers. Je sais que je l’ai fait, mais je ne sais pas comment», admet-il au Courrier du Sud au lendemain de son retour. Eh oui, des sandales L’ultramarathonien a parcouru les 1135 kilomètres de Percé à Montréal chaussé de simples sandales. «Les pieds finissent toujours par enfler quand on fait des longues distances. Ils n’auraient pas rentré dans des chaussures», explique-t-il. «Pour moi, c’était ce qui était le plus confortable étant donné mes habitudes de course.» Une chaîne humaine Joan Roch devrait publier son deuxième roman en mars 2021. Il y racontera sa folle aventure. «L’idée que j’ai eue est de retourner voir les gens qui m’ont aidé et de faire des photos-portraits, pour mettre un visage sur toute cette chaîne humaine qui s’est créée spontanément pour m’aider à faire ce voyage.»