chronique
Opinion

Pleurer pour un chien

le vendredi 01 mai 2015
Modifié à 0 h 00 min le 01 mai 2015
Par Michel Thibault

mthibault@gravitemedia.com

CHÂTEAUGUAY - La couleur du liquide dans la seringue m'a étonné.

Rose bonbon. Ça faisait penser à de la barbe à papa ou de la gomme à faire des bulles. Ça contrastait fort avec les poils noirs.

Le vétérinaire en a rasé un peu sur la patte avant droite de Geisha couchée à plat ventre devant lui. Calme comme un jour de pluie fine. Nos mains dans sa fourrure sur sa tête. Ses flancs. Des mots d'amour. Le cœur en train de fendre.

Le bout de l'aiguille a pénétré dans sa chair. Le fluide barbe à papa a disparu. Le vétérinaire a posé son stéthoscope sous le menton de notre belle Labrador en or. «Elle est partie», il a soufflé.

Nos têtes en sanglots sont tombées sur son corps inerte. J'ai regardé dans les yeux bruns de mon chien : il n'y avait plus personne. Ça a fait mal.

Comme quand j'ai appris la mort de Niquette à l'âge de sept ans. «Tu pleures pour un chien !», s'était étonné un voisin.

Hé oui, apparemment, c'est tout à fait normal. C'est chimique. Au fil de l'évolution, maitres et chiens ont développé un fort attachement, révèle une étude récente de l'Université d'Azabu au Japon. Les chercheurs ont découvert que Pitou et son ami bipède sécrètent de l'ocytocine après s'être regardés ou avoir joué ensemble. Ocytocine qui est l'hormone de l'attachement. «Comme le soulignent les chercheurs, les chiens en sont venus à reproduire l’un des liens affectifs les plus puissants entre deux personnes: celui entre un parent et son enfant», lit-on dans le Journal de Montréal du 18 avril.

Ce n'est pas facile de se sevrer de cette drogue après 13 ans de dose quotidienne. Geisha était toujours présente à côté de nous dans la maison. Toujours à portée de caresses. Une source inépuisable de réconfort. Jamais un mot plus haut que l'autre. Quoi qu'on fasse, on sentait qu'on faisait toujours son bonheur. Sauf quand on partait en voyage. Elle sentait les valises. La mine triste. Geisha nous témoignait un amour inconditionnel.

Les premiers jours sans elle ont été pénibles. Un rond froid me suivait dans la cuisine, le salon. Son absence. Le vide se referme lentement. Il s'ouvre quand je croise un chien noir en faisant mon jogging. Puis il s'estompe.

Ça fait plus d'un mois qu'elle est partie et j'aurai un gros pincement au cœur en voyant la première page du Soleil mercredi prochain. Ce chien Papou avec les écoliers lui ressemble tellement ! Tu restes toujours dans mon coeur ma belle Geisha.