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COVID-19

Propos «douteux» sur la COVID-19: le système d’éducation en cause ?

le lundi 10 août 2020
Modifié à 12 h 19 min le 04 août 2020

Avec leurs théories du complot, l’évocation du nazisme en lien avec le port du masque et la remise en cause du travail des scientifiques, les «diplômés» de l’université de la vie s’activent sur les médias sociaux. Est-ce que le système d’éducation québécois a failli à transmettre des connaissances scientifiques et historiques de base à une partie de la population? Icimédias a interrogé différents intervenants du monde de l’éducation. «Il y a un manque de connaissances scientifiques, mais aussi de connaissance de la démarche scientifique, répond d'emblée Jean-Daniel Doucet, qui a fait de la vulgarisation scientifique son métier. On observe la science en marche, avant que les connaissances ne soient établies. Les scientifiques ont l’air de ne pas s’entendre, ce qui peut inquiéter les gens. Mais cela fait partie prenante du processus normal de la science.» «Nous sommes dans une ère d’acquisition de connaissances depuis des années, s’inquiète de son côté Yannick Fréchette, psychoéducateur, conférencier et consultant en éducation depuis 20 ans. Certains ont cependant peu ou pas appris à mettre en pratique le savoir acquis. Cela ne relève pas que du milieu de l’éducation. Il faut que les individus fassent une introspection par rapport à la quête avide d’informations. Avec Facebook, on dirait que tout le monde est devenu journaliste ou un expert. Beaucoup se prononcent sur la place publique sans avoir les connaissances pour le faire. Il faut apprendre à distinguer une opinion d’un fait et toujours utiliser avec prudence les mots toujours, tout le monde et jamais», rappelle-t-il. «Il importe d’avoir le jugement critique, exprime tant qu’à elle Marie-Josée Harnois, conseillère pédagogique au RÉCIT national de l’adaptation scolaire. Cependant, les gens vont souvent faire des raccourcis avec les repères culturels qu’ils ont sans avoir la connaissance des choses. Apprendre la crédibilité d’une source et aller vérifier qui est l’auteur, c’est important. Il faut que les élèves saisissent ce qu’est l’approche scientifique. Cela fait justement partie du plan d’action numérique du ministère de l’Éducation. On a, entre autres, un objectif qui s’appelle la citoyenneté numérique qui fait en sorte que le jeune apprenne à protéger leurs données personnelles sur le Web, détecter ce qu’est une fausse nouvelle, mais aussi comment se comporter sur Internet. On parle alors de nétiquette. On est en train de descendre le plan numérique dans les milieux, mais cela ne se fait pas de même. Il faut de l’espace dans les cours pour pouvoir enseigner ces notions», reconnaît-elle. L’historien et enseignant Éric Bédard trouve dans le phénomène actuel non pas un enseignement de l’histoire déficient, mais plutôt le résultat d’une société extrêmement polarisée par les réseaux sociaux. «Facebook, Twitter et les autres nous rendent un petit peu plus étrangers à ce qui est une véritable culture démocratique où l’on doit respecter le point de vue des autres. Traiter quelqu’un de nazi, c’est l’argument des faibles. C’est la version «réseaux sociaux» d’une bagarre de rue. On n’a pas d’arguments, on ne peut plus discuter avec ce qu’on a sous la main, on démonise celui qui ne pense pas comme nous», explique celui qui se désole de voir ce qu’il qualifie «d’effritement démocratique.» «À partir du moment où je qualifie quelqu’un de nazi, il n’y a plus de discussions possibles. C’est ce qu’on appelle la loi de Goodwin. Cela illustre un point de dérapage d’une discussion. On n’est plus dans la rationalité et dans le respect», précise le professeur de la TÉLUQ, qui souhaiterait que l’art oratoire, l’enseignement de la discussion dans le respect soit inculqué aux élèves québécois tout en rappelant le rôle primordial des parents dans le transfert des valeurs démocratiques. Texte de Stéphane Lévesque, Initiative de journalisme local, L'Hebdo Journal