chronique

Qui mérite le plus de vivre ?

le jeudi 15 novembre 2018
Modifié à 16 h 21 min le 15 novembre 2018
Par Michel Thibault

mthibault@gravitemedia.com

Ce mercredi 15 novembre est la Journée mondiale de la philosophie. Du pelletage de nuage ? Avant de répondre à la question, je vous propose de faire un petit test. Une «expérience de pensée» tirée du bouquin «Game of Thrones, une métaphysique des meurtres», de Marianne Chaillan. Alors, imaginez-vous dans la peau du conducteur d’un train dont les freins ont lâché. Le convoi file à toute vitesse vers cinq personnes. Vous pouvez dévier le train vers une voie où il n’écrasera qu’une seule personne. Selon vous, est-il moralement acceptable de faire bifurquer le train vers la personne toute seule ? [caption id="attachment_53136" align="alignleft" width="990"] Illustration du dilemme du tramway Photo : Wikimedia Commons/McGeddon
Des chercheurs du Massachusetts Institute of Technology (MIT) et du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) français ont créé en juin 2016 la Machine morale, un jeu-questionnaire en ligne pour découvrir quelles décisions morales prendraient les internautes[/caption] Si oui, c’est que, probablement, pour vous, il vaut mieux sauver cinq vies plutôt qu’une seule, indique la philosophe Chaillan. «Votre raisonnement est arithmétique.» En revanche, expose-t-elle, «si vous choisissez de ne pas dévier le train, c’est peut-être que vous considérez qu’il ne vous appartient pas de choisir quelle vie mérite d’être protégée et vous ne voyez pas pourquoi il faudrait sacrifier un homme au motif qu’il serait le seul à être sauvé». [caption id="attachment_53142" align="alignleft" width="521"] Un ouvrage qui fait réfléchir.[/caption] Le test comporte un deuxième volet. Le train sans frein avance toujours vers cinq personnes mais, cette fois, pour leur éviter la mort il faut que vous poussiez un gros homme sur les rails, qui bloquera le train. Dévier le train sur un individu et pousser un homme pour sauver cinq personnes, pour vous, est-ce moralement équivalent ? Si vous estimez que oui, puisque le résultat est identique dans les deux cas, vous êtes «conséquentialiste» et vous rejoignez Lord Bentham et êtes «proche du camp des Lannister», expose Chaillan. Dans l’autre cas, vous vous rangez dans la maison déontologique d’Emmannuel Kant, pour qui certaines actions sont moralement interdites, peu importe les conséquences, dit Marianne Chaillan. La famille Stark se rapproche à son avis de la morale kantienne. Le dilemme de l’auto L’exercice plus haut peut sembler bien abstrait et inutile. Il représente pourtant un enjeu majeur de notre société auquel nous devons réfléchir : qui mérite le plus de vivre. À l’époque du Titanic, c’était assez simple : les femmes et les enfants d’abord. En 2018, la question se complique. Notamment avec l’arrivée des voitures sans conducteur. Comment programmer ces véhicules à réagir dans l’éventualité où ils se retrouveront à devoir «choisir», par exemple, entre la vie de leurs occupants et celle d’un motocycliste ? Pour se pencher sur ces questions éthiques, les philosophes ont été mis à contribution. monsieur et madame Tout-le-monde peut aussi participer à la réflexion. Notamment en se prêtant au jeu questionnaire de la Machine Morale créée par des chercheurs du Massachusetts Institute of Technology (MIT) et du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) français. On parle des autos mais la question est aussi pertinente dans le domaine de la santé. En supposant que les ressources sont limitées, qui mérite le plus d’être sauvé ? Cinq bébés ou un sexagénaire ? Pour ma part, je ne crois pas que le droit de vivre doit dépendre d'un nombre. Dans le scénario du train, la personne seule pourrait bien être extraordinaire et le groupe formé de cinq meurtriers. La valeur d'une personne pour la société devrait faire la différence à mon avis, mais comment la définir et la déterminer ? Ça exige réflexion, une réflexion sérieuse ancrée dans la philosophie.