Opinion

Savez-vous planter des choux… grâce à Hydro-Québec ?

le jeudi 10 décembre 2020
Modifié à 16 h 08 min le 08 décembre 2020
Par Hélène Gingras

hgingras@gravitemedia.com

[caption id="attachment_2906" align="alignleft" width="166"] René Vézina[/caption] Il ne faut jamais sous-estimer l’influence de la presse. Au printemps dernier, en pleine pandémie – première vague – plusieurs médias ont suggéré au gouvernement Legault de soutenir son ambition d’une meilleure autonomie alimentaire en misant sur la serriculture québécoise avec des tarifs d’électricité avantageux. Comme Hydro-Québec nage dans les surplus, on pouvait joindre l’utile à l’utile. C’était, et ça demeure, un enjeu important en Montérégie, considérée comme le grenier du Québec, où la culture en serre gagne en importance chaque année. À la mi-avril, je signais la chronique Miser sur les serres pour être maîtres chez nous dans les hebdos de Gravité Média, dont celui-ci. J’y écrivais que: «Si le Québec est sérieux dans ses ambitions d’autosuffisance alimentaire, il va devoir ajuster les tarifs d’électricité pour les producteurs. Les bananes ou oranges vont toujours venir du Sud, mais pourquoi ne pas élargir notre palette de légumes cultivés ici?» Québec semble avoir adopté cette stratégie. Au moment d’écrire ces lignes, selon le site lapresse.ca, on pourrait annoncer incessamment une facture d’électricité moins chère pour les serres… même pour les producteurs de cannabis. Oublions le pot pour les fins de la discussion. Si on peut à la fois soutenir la production locale de brocolis, choux, céleris, tomates et autres produits frais en mettant à contribution notre électricité propre, pourquoi nous en priver? À moins que… le reste du monde nous en tienne rigueur. Et ce n’est pas un gag. Je suis allé chercher l’opinion d’un expert en la matière. Richard Ouellet est professeur de droit économique international à l’Université Laval. Il a suivi de près la renégociation des accords de libre-échange nord-américain, sans compter les autres ententes commerciales internationale signées par la Canada. Voici, textuellement, son avis sur la question. «Offrir un avantage gouvernemental peut être considéré comme une subvention, Hydro-Québec est liée à l’état. Or, si cet avantage risque de provoquer des effets défavorables pour un autre pays, pour les exportations comme les importations, le Québec pourrait alors faire l’objet d’une plainte et finir par être sanctionné par une instance internationale comme l’OMC (Organisation mondiale du commerce)». Oui, mais on entend partout dans le monde des appels à l’autosuffisance alimentaire, chacun utilise atouts et subventions, nous ne sommes quand même pas les seuls à jouer cette carte? «Précisément, dit-il. C’est dans l’air du temps. Nous sommes dans une époque où c’est devenu la norme. Les pays qui voudraient se plaindre vont se regarder dans le miroir et se garder une petite gêne… Ils vont y penser à deux fois avant de déchirer leur chemise pour risquer ensuite se faire eux-mêmes accuser.» Il ne le dit pas ouvertement mais je vais me le permettre: «Si tout le monde le fait, fais-le donc !»