Tribune libre
Élections provinciales 2018

La Terre, notre maison commune

le jeudi 20 septembre 2018
Modifié à 16 h 24 min le 20 septembre 2018
Par Production Gravite

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Châteauguay, le 16 septembre 2018 Lettre à mes concitoyens, Québécoises et Québécois, à l’approche des élections du 1 octobre 2018 Chères concitoyennes, chers concitoyens, J’aimerais vous entretenir aujourd’hui de choses importantes dont on ne parle pas ou dont on ne parle que partiellement ou si peu depuis le début de la présente campagne. Pourtant, ce sont des enjeux qui auront des impacts majeurs sur nous tous à très court terme, où que nous habitions sur la planète. Ce sont des réalités qui nécessitent que nous remettions en question, dès maintenant, notre mode de vie non viable, afin de préserver l’habitabilité de la Terre, notre maison commune. Pourtant, depuis le 23 août, nous n’avons eu droit qu’au spectacle habituel avec des slogans creux et des bonbons électoraux distribués à la douzaine. Pas de défis posés clairement aux Québécois. Rien de mobilisateur qui invite à changer notre mode de vie et à faire les sacrifices nécessaires par amour pour nos enfants, nos petits-enfants et nos arrière-petits-enfants. Ce constat m’amène d’abord à faire un tour d’horizon de l’état de santé global de notre planète, à partir des faits, tels que relatés par des personnes ou des organismes crédibles. Puis, nous nous demanderons quoi faire pour nous sortir du bourbier dans lequel nous continuons à nous enfoncer. Enfin, nous nous attarderons aux motifs qui nous permettent d’espérer nous en sortir malgré tout, si le réveil collectif se produit suffisamment tôt. LA SITUATION DANS LE MONDE En mars 2018,  « L’ONU a appelé […] le monde à être plus ambitieux en matière de lutte contre le changement climatique avant qu’il ne soit trop tard, […] »[1] En 1992, cinq ans après le rapport « OUR COMMON FUTURE »[2], « un groupe de 1 700 scientifiques, dont plusieurs lauréats du prix Nobel, signait un « avertissement » dans lequel ils détaillaient les raisons qui poussaient l’humanité vers une collision frontale avec l’ensemble du monde vivant, en raison de notre « gestion de la Terre et de la vie qu’elle recèle ». « Or, depuis 25 ans, la réponse de l’humanité se résume à un échec quasi généralisé. « Non seulement, l’humanité a échoué à accomplir des progrès suffisants pour résoudre ces défis environnementaux annoncés, mais il est très inquiétant de constater que la plupart d’entre eux se sont considérablement aggravés », affirment pas moins de 15 364 scientifiques provenant de 184 pays, dans un manifeste […] »[3] Après tous ces avertissements, ce qu’il faut comprendre, c’est que, collectivement, nous ne sommes pas encore suffisamment conscients de la situation. La campagne électorale en cours flotte jusqu’à ce jour dans un niveau d’inconscience ahurissant. Un seul parti semble prendre la chose au sérieux, mais on ne le prend pas au sérieux. Pourtant, c’est le temps ou jamais, au-delà des lignes de partis, de remettre fondamentalement en question notre mode de vie non viable, de nous relever les manches et de nous mettre sérieusement à la tâche. Il y va de notre avenir à toutes et à tous. Ressources disponibles versus population mondiale Toujours moins de ressources, toujours plus d’humains : une situation appelée à devenir de plus en plus préoccupante, pour ne pas dire explosive, à moins d’une correction importante de la trajectoire mortifère que nous suivons présentement. « La population mondiale qui s’élève actuellement à 7,6 milliards devrait atteindre 8,6 milliards en 2030, 9,8 milliards en 2050 et 11,2 milliards en 2100 »[4], selon un rapport des Nations Unies publié en juin 2017. « Alors que la population mondiale s’accroît d’environ 83 millions de personnes chaque année, la tendance à la hausse de la population devrait se poursuivre, même en supposant que les niveaux de fécondité continuent à diminuer. »[5] 83 millions par année, cela veut dire 227 400 plus de bouches à nourrir chaque jour, soit 5 685 000 depuis le 23 août. L’enjeu fondamental consiste donc à préserver l’habitabilité de la Terre, notre maison commune, dans un contexte où il y a, d’un côté, toujours moins de ressources à cause de notre façon de traiter la nature, et de l’autre, toujours plus d’humains vivant dans la pauvreté. Si tous les humains vivaient comme les nord-américains, nous aurions besoin de cinq planètes pour maintenir notre niveau de vie actuel.[6]  Deux dynamiques à l’œuvre 1re dynamique, celle promue par le haut de la pyramide sociale, qui considère le territoire comme simple ressource à exploiter C’est celle de l’économie de la cupidité, de l’irresponsabilité, du désastre. On peut la résumer ainsi : Tout pour soi, rien pour les autres. Le Système est fondé sur la liberté d’exploiter et de produire n’importe quoi, n’importe comment, n’importe où, avec une durée de vie la moins longue possible, peu importe les conséquences sur les humains et sur la nature, pourvu que ça rapporte et que ça fasse tourner l’économie. Cette idéologie est basée sur le dogme de la croissance à tout prix. La mondialisation néo-libérale s’est appliquée jusqu’à maintenant à renforcer ce système, via les accords de libre-échange qui visent essentiellement à mettre les humains et la société au service du grand capital. Heureusement, dans plusieurs pays du monde, elle est remise en question, car il devient de plus en plus évident qu’elle « a transformé les gouvernements en « États-succursales » […] et les territoires en terrains de jeu des multinationales… »[7] Cette dynamique produit un système injuste qui ne pourra se maintenir en place que par la violence organisée, institutionnalisée, une violence de plus en plus grande au fur et à mesure que la population mondiale augmentera et que les ressources disponibles diminueront. Pas d’avenir pour l’humanité si nous persistons sur une telle voie … sans issue! Heureusement, une autre dynamique est en marche. 2e dynamique, celle qui émane du bas de la pyramide sociale et qui se déroule dans un rapport vital au territoire Une autre logique existe, celle d’un rapport au territoire qui implique que l’humain est conscient qu’il n’est qu’un maillon dans la grande chaîne de la vie. Elle invite à prendre soin de. Cette logique donne lieu à une dynamique qui vise à changer les choses en profondeur à partir de la base; en font partie les mouvements qui remettent en question la mondialisation néolibérale, les initiatives qui visent à réparer les dégâts causés par le Système, à protéger la nature, à « remettre à l’endroit un monde à l’envers »[8], à bâtir un monde nouveau, à échelle humaine.  Cette dynamique est celle du partage, de la solidarité, de la coopération.  LA SITUATION AU QUÉBEC Les deux dynamiques décrites plus haut sont également à l’œuvre au Québec. Le néo-libéralisme y fait aussi ses ravages. Ce qui se passe dans le monde se passe aussi chez nous. Nous avons des ressources naturelles en abondance; les prédateurs de la mondialisation le savent et ils en profitent, avec la complicité de nos gouvernements. Les gens des régions en vivent tous les jours les conséquences.  « L’eau au Québec : une ressource à protéger » « Dix pour cent du territoire du Québec est recouvert d’eau douce. Avec ses dizaines de milliers de rivières et plus de trois millions de plans d’eau, le Québec possède 3% des réserves en eau douce renouvelables de la planète, et près de 40% de toute cette eau se concentre dans le bassin hydrographique du Saint-Laurent. « Ce privilège s’accompagne toutefois d’une grande responsabilité, celle de faire de notre mieux afin de préserver cette richesse collective […] » [9] Rien de moins sur le site internet du ministère du Développement Durable, Environnement et Lutte contre le Changement Climatique. Pourtant, plusieurs événements se produisent qui démontrent que le gouvernement du Québec et celui du Canada ne font pas toujours de leur mieux pour protéger cette richesse collective et beaucoup d’autres, non renouvelables. RÉFLEXION, AVANT L’ACTION « … Un regard attentif et critique sur le sort du monde et le devenir du Québec nous révèle partout les résultats désastreux de décennies de politiques économiques néocapitalistes. Inégalités sociales, pauvreté, crises financières, scandales comptables, dégradations environnementales et changements climatiques sur fond de conflits meurtriers sont les conséquences visibles d’un laisser faire qui a abandonné à l’illusion du marché autorégulé le soin de gérer le quotidien et l’avenir de la Terre et des humains.   « Ce sont là les vrais problèmes du monde et du Québec. Le type de mondialisation porté par les puissants et les bien nantis, en est le principal responsable. »[10]   Le dogme de la croissance à tout prix, du tout-au-marché, ça ne marche pas. Ça nous conduit rapidement au bord du gouffre. C’est une réalité qui « crève les yeux », même si le Système fait tout en son pouvoir pour nous la camoufler par des distractions de toutes sortes.   Le problème fondamental en est un de valeurs; la devise du Système semble être « Tout pour moi; rien pour les autres ». Le test de valeurs proposé par la CAQ à l’intention des immigrants, je le ferais plutôt subir aux candidats et candidate au poste de premier ministre et la première question de ce test serait : qui, parmi vous, n’a pas d’argent placé dans un paradis fiscal?   D’ici le 1 janvier 2050, nous disposerons de 31 ans et 3 mois, le 1 octobre 2018, de trois décennies en somme pour relever des défis gigantesques, mais nous n’en sommes pas encore pleinement conscients, parce que ceux qui profitent du Système cherchent par tous les moyens à nous distraire de l’essentiel et que nous avons, collectivement, préféré jusqu’à maintenant nous enfouir la tête dans le sable plutôt que d’accepter de regarder la réalité en face. Les gouvernements successifs, tant au fédéral qu’au provincial, se sont traîné les pieds, nous faisant perdre un temps précieux et cela semblait nous convenir.   Il y a urgence de nous donner une destination collective soutenable et une feuille de route crédible pour y parvenir. Le seul choix potentiellement viable, c’est celui qui consiste à prendre ensemble le contrôle de la situation, afin d’en arriver à mettre de plus en plus l’économie à notre service. Il s’agit, en somme, de devenir « maîtres chez nous »,   PLAN D’ACTION POUR LE XXIe SIÈCLE   L’horizon 2050   Un tel plan d’action vise à établir la contribution que nous sommes invités à apporter, afin que la planète redevienne une Terre habitable pour toutes et pour tous (THTT). Il est essentiel de bien s’enligner dès maintenant. Le compte à rebours est commencé et nous n’avons pas beaucoup de temps devant nous. Nous n’aurons pas de deuxième chance et nous n’avons pas de planète de rechange.   Question de départ : quelle destination commune pour le Québec, à définir ensemble, voulons-nous nous donner, à partir de nos vrais besoins, pour orienter la direction que nous prenons dès maintenant, à partir du 1 octobre 2018? Objectifs à atteindre:   d’ici le 1 janvier 2050 (Vision à long terme); d’ici le 1 janvier 2035? (Vision à moyen terme); d’ici le 30 septembre 2022? (Vision à court terme) d’ici le 30 septembre 2019, 30 septembre 2020, 30 septembre 2021 (Vision à très court terme).   Grandes lignes d’un plan d’action initial  

  • Faire un choix éclairé le 1er Qui choisirons-nous dans le but nous mener là où nous voulons être rendus collectivement le 30 septembre 2022? En cochant notre préférence, souvenons-nous de cette parole d’Hubert Reeves : « Les décisions qui vont être prises ces années-ci vont influencer le cours de la vie humaine pendant des milliers d’années »[11] Ce dont nous avons besoin, c’est d’un leader qui a de la vision, une vision qui dépasse largement l’échéance du 1er octobre, qui est à l’écoute, qui n’a pas peur de regarder la réalité en face, d’aborder les enjeux fondamentaux, de répondre aux questions et qui ose nous dire la vérité sur les sacrifices que nous aurons à faire pour modifier en profondeur notre mode de vie non viable.
 
  • Refuser d’être partie à l’ALENA, le nouvel accord de libre-échange négocié dans le plus grand secret en 2018.
 
  • Remettre le modèle québécois à l’ordre du jour. Sortir de ce que l’on appelé l’État-Provigo, dans lequel nous ont entraînés des élites déconnectées.
 
  • Convoquer la population à une grande conversation nationale d’ici le 31 décembre 2019. Parce qu’il y aura des sacrifices à faire pour modifier en profondeur notre mode de vie, il est essentiel d’impliquer tout le monde dès le départ
 
  • Établir les grandes lignes d’un chantier d’envergure avec un horizon 2050, ainsi que des objectifs intermédiaires annuels en nous concentrant sur l’étape 2018-2022
 
  • Apprendre, de toute urgence à « modérer nos transports », pour réduire nos émissions de gaz à effet de serre, de manière significative.
 
  • Boucher au plus tôt toute fissure législative ou règlementaire libre-échangiste ou autre qui pourrait nous faire perdre le contrôle sur l’eau de notre territoire national et sur sa qualité.
 
  • Établir une politique nationale de l’aménagement du territoire et de l’urbanisme d’ici octobre 2020 (Voir à ce sujet la proposition et la feuille de route établie par l’organisme « Alliance Ariane ». (Réf. : http://www.ariane.quebec/)
 
  • Nous donner un indice de véritable progrès sur le plan humain. Pourquoi pas l’indice THTT?
  L’ESPOIR   L’espoir réside essentiellement dans notre capacité à nous mobiliser, dans la mesure où nous sommes conscients de la gravité et de l’urgence de la situation.   De tous les coins de l’horizon, des gens se lèvent parce qu’ils sentent que, de plus en plus, l’économie tourne à vide, que la société n’a plus de projet collectif, que tout cela n’a plus de sens. Nous allons de plus en plus vite, mais nous n’avons pas de destination commune. Nous n’allons nulle part ensemble.   Beaucoup d’initiatives surgissent d’un peu partout au Québec, d’un peu partout dans le monde, au ras du sol, pour répondre à des besoins véritables, pour faire les choses autrement, à dimension humaine. La prochaine étape, celle dans laquelle nous sommes en train de nous engager, consiste à faire converger de plus en plus ces mouvements, ces prises en charge, ces concertations, ces tendances de fond vers un projet de société qui nous ressemble et nous rassemble, qui nous permettra d’aller plus loin ensemble. Faisons de notre coin de Terre, le Québec, une terre habitable pour tous ses habitants. Donnons le signal de départ pour une mobilisation générale!   Nous aspirons, non pas à nous faire manipuler en fonction d’intérêts qui ne sont pas les nôtres, mais à participer pleinement à la définition de la destination commune que nous allons nous donner et de la route que nous allons prendre pour y parvenir, pour le bénéfice de toutes et de tous, dans le respect de notre territoire, de qui nous sommes. L’eau en fait partie et elle ne tolère aucun mélange …  avec le pétrole. L’eau, c’est la vie!   CONCLUSION   Confier notre avenir et celui de nos enfants aux forces aveugles du marché, ça suffit! Le temps de subir est terminé; le temps de participer est arrivé. « Un nouveau jour va se lever et son soleil brillera pour la majorité qui s’éveille […]»[12]   Nous avons besoin d’un changement, mais d’un vrai. Changer notre mode de vie non viable en profondeur implique que l’on se parle, parce que cela va exiger des sacrifices, une capacité d’adaptation de chacun et chacune d’entre nous. La présente lettre se veut une invitation à un dialogue, à une grande conversation nationale pour tracer le chemin vers une économie, une société où il y en a pour tout le monde. C’est un monde nouveau que nous sommes appelés à construire ensemble. C’est un appel à toutes et à tous. Les femmes sont invitées à y jouer un rôle de premier plan.   Inspirons-nous de la Révolution tranquille! Réinventons le modèle québécois! Actualisons le « Maîtres chez nous! ». Sortons de l’économie du « Far West »! Enlignons-nous sur celle du « vaisseau spatial », qui implique de protéger et de partager dans un environnement limité. C’est une question de survie.   Libérons-nous de la peur d’exister! Si nous le faisons, nous ne craindrons plus d’accueillir chez nous celles et ceux, venus d’ailleurs, qui veulent construire avec nous un monde nouveau. Le monde a besoin de nous, avec toute la vitalité de notre être collectif. Nous avons quelque chose d’unique à apporter à la communauté des nations. N’attendons pas que d’autres nous donnent la permission de le faire, celle d’exister tout simplement.   Retrouvons en nous le courage nécessaire pour accéder au concert des nations, afin de faire entendre pleinement notre voix dans les institutions internationales, particulièrement à l’ONU. Il est urgent de mettre fin à l’économie du désastre et de nous donner les moyens pour y parvenir. Passons à l’action sans tarder! Mettons en branle un grand chantier national!   René Lévesque nous a dit en 1976 que nous étions « peut-être quelque chose comme un grand peuple ». Le temps est venu de le prouver. Claude Boileau, Citoyen du Québec et du monde [1] Agence France-Presse, « Accord de Paris : l’ONU appelle à agir avant qu’il ne soit trop tard », le Devoir, 2018/05/01, p. A4 [2] Rapport de la Commission mondiale sur l’environnement et le développement [3] Shields, Alexandre, L’humanité court à sa perte, préviennent 15 000 scientifiques, Le Devoir, 2017/11/14, p. A1 [4] ONU Info (fr), 21 juin 2017, information tirée du document « Perspectives de la population mondiale : la révision de 2017 », publié par le Département des affaires économiques et sociales de l’ONU [5] Ibid. [6] Selon les données du Global FootPrint Network [7] Manifeste québécois pour la démondialisation, mai 2018 [8] Ibid., p. 85 [9] Site internet du ministère du Développement Durable, Environnement et Lutte contre les Changements Climatiques [10] Manifeste « Pour un Québec solidaire », 1 novembre 2005 [11] Hubert Reeves, dans le film-documentaire québécois, « La Terre vue du cœur » [12] Michel, Jacques