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Une école retire le livre "Dix petits nègres"

le vendredi 25 septembre 2020
Modifié à 14 h 32 min le 25 septembre 2020
Par Michel Thibault

mthibault@gravitemedia.com

L’école Marguerite-Bourgeois à Châteauguay a retiré le roman policier « Dix petits nègres » de sa bibliothèque. L’établissement a rapidement réagi à une plainte d’un parent. Dans un courriel envoyé au prof de français de son garçon, le 22 septembre, Mutshipayi Mbingila désapprouve vivement son choix de faire lire l’ouvrage en question à sa classe. « Le terme nègre a une résonnance négative. C’est péjoratif. Dans le contexte actuel, ce n’est plus acceptable », a-t-il indiqué en entrevue au Soleil de Châteauguay. M. Mbingila a fait un parallèle avec un autre terme blessant qui n’est pas toléré. « J’ai grandi à une époque où traiter un garçon efféminé de fife, il n’y avait rien là. Aujourd’hui, c’est du harcèlement et de l’intimidation », a-t-il souligné. « Certains termes sont désuets et ont une consonnance négative et raciste. Il faut être sensible à certaines communautés. » Nouveau titre M. Mbingila a fait valoir à l’enseignant que la maison d’édition elle-même avait changé le titre du roman, l’année dernière, pour « Ils étaient dix ». « Si les éditeurs du livre ont trouvé logique de changer le titre du livre en tenant compte du contexte social actuel, je ne comprends donc pas votre décision », écrit-il. En effet, les Éditions du Masques ont modifié le titre en français à la demande d’Agatha Christie Limited, propriétaire des droits. Le mot « nègre » a aussi été supprimé dans le roman. Arrière petit-fils de l’auteure et dirigeant de la société qui détient ses droits, James Prichard a justifié le geste en affirmant qu’à son avis « Agatha Christie n’aurait pas aimé que quelqu’un soit blessé par une de ses tournures de phrase », selon un article du Journal de Montréal publié le 26 août 2020. « Si une seule personne ressentait cela, ce serait déjà trop », exprime James Prichard. Agatha Christie a écrit son récit en 1938. Il a été publié en Grande-Bretagne en 1939 avec le titre « Ten little niggers ». Il a paru aux États-Unis en 1940 avec un titre différent, soit « And then there were none ». Ce titre a été adopté au Royaume Uni en 1985, selon Wikipédia. Retrait Dès mercredi, la directrice de l’école a informé M. Mbingila que le roman serait retiré. « Je suis satisfait, bien sûr. Plusieurs écoles l’ont déjà enlevé », a-t-il réagi. Le Centre de service scolaires des Grandes-Seigneuries adopte cette mesure « en attendant de recevoir les nouvelles versions du livre dont le titre a changé ainsi que quelques termes pouvant blesser qui s’y trouvaient », indique Hélène Dumais, directrice adjointe au Service du secrétariat général et des communications du CSSSDGS. Désolés La porte-parole a assuré qu’il n’y avait aucune intention de blesser. « En aucun temps, le fait d’avoir des copies de ce livre d’Agatha Christie dans les bibliothèques scolaires ne s’est voulu offensant ou provocateur et nous sommes sincèrement désolés de la situation vécue à l’école Marguerite-Bourgeois, indique-t-elle. Ce roman – l’un des plus lus à travers le monde -  fait partie de nos bibliothèques scolaires depuis bon nombre d’années notamment pour la qualité de son intrigue policière. » Le CSSDGS compte actuellement dans l’ensemble de ses bibliothèques scolaires près de 250 exemplaires du livre. « Il ne fait pas partie d’un programme officiel, informe Mme Dumais. Comme pour toutes les lectures proposées, un enseignant qui souhaite mettre en lumière des éléments précis peut faire la suggestion de certains livres, selon le groupe d’âge prescrit pour ce livre par le CSSDGS. Si tel est le cas, l’enseignant accompagne ses élèves dans la lecture, propose des pistes de réflexion, met en lumière des aspects du livre afin de l’aider à développer son sens critique. La lecture est valorisée dans les écoles puisqu’elle permet l’enrichissement de l’enseignement et chaque fois que cela est proposé, les élèves peuvent faire un choix de lecture. »