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VIDÉO – Deux tempêtes de terre noire ont déferlé sur la région

le mercredi 15 juillet 2020
Modifié à 13 h 38 min le 08 juillet 2020
Par Audrey Leduc-Brodeur

aleduc-brodeur@gravitemedia.com

Une tempête de terre noire s’est abattue dans le secteur des Jardins-de-Napierville, le 10 juin, mais ses effets ont été ressentis jusqu’à Saint-Constant, selon des témoins. La sécheresse exceptionnelle à cette période de l’année ainsi que les forts vents sont à l’origine de ce phénomène climatique rare, explique un expert qui étudie l’érosion des sols dans la région depuis 13 ans. Noémy Proulx réside à proximité de l’autoroute 30 à Saint-Constant. Lorsque son conjoint a d’abord aperçu «une énorme masse opaque de couleur brune et rouge allant du sol jusqu’au ciel», celui-ci a d’abord cru à un orage. «Mais ça ne ressemblait pas à un orage, précise-t-elle. De la terre et de la poussière en grande quantité sont entrées dans ma maison, puisque ma porte-patio était ouverte. Je pensais que c’était peut-être dû au vent et au fait qu’un voisin avait posé de la tourbe récemment. Quand j’ai vu la publication de la Vigile verte sur Facebook, j’ai compris pourquoi j’avais autant de terre dans mon appartement.»
L’organisme de protection environnementale du secteur a décrit ce phénomène comme «un tourbillon de poussière». Un mois plus tôt, une autre tempête aurait déferlé dans le même secteur, précise Gina Philie, directrice par intérim de la Vigile verte. «Ç’a surpris les résidents de milieu urbain. Des citoyens de Brossard nous en ont même parlé, relate-t-elle. On pense d’abord que c’est du smog, mais en fait, c’est de la terre qui vole.»
Combinaison parfaite
D’après Jean Caron, professeur titulaire de la Chaire CRSNG en conservation et restauration des sols organiques de l’Université Laval, il faut une combinaison parfaite de facteurs pour qu’une tempête de terre noire comme celle du 10 juin s’abatte ainsi dans la région; de faibles précipitations de pluie en début d’été, des sols à découvert en raison de la chaleur et des bourrasques forment un cocktail météo propice.
La tempête de poussière a l’apparence du smog, explique la Vigile verte. Le mur de terre était visible à Saint-Mathieu. (Photo gracieuseté)
«C’est une année extrêmement difficile pour l’agriculture. Les producteurs travaillent fort pour réduire la sensibilité des sols organiques. Ceux-ci représentent 35% de la surface agricole en production maraîchère au Québec. C’est un joyau de l’horticulture. Ce n’est pas pour rien que la région est surnommée les Jardins du Québec», fait-il remarquer.
Le territoire se trouve dans une zone de microclimat, poursuit M. Caron, «puisque des montées de vent chaud venant du Sud permettent de produire plus tôt dans l’année». Mais ces derniers ainsi que des vents de l’Ouest et du Nord ont été observés cette année. «Ajoutez à cela sept semaines sans pluie importante. Les sols se sont retrouvés à nu et des semis se sont envolés, faisant subir des pertes importantes aux agriculteurs», explique celui qui n’avait jamais observé un pareil phénomène dans la région depuis qu’il a commencé à l’étudier en 2007.
Résultats encourageants
Depuis 2019, la Chaire de recherche en conservation et restauration des sols organiques mène une étude sur 5 ans en partenariat avec des fermes de la MRC des Jardins-de-Napierville, notamment. Son objectif est de les préserver, «afin d’assurer le soutien alimentaire des prochaines générations».
Dans le milieu agricole, on se dit souvent qu’on aimerait arracher la page de l’année 2020 dans le calendrier.» -Jean Caron
Bien que le portait semble aussi noir que la terre qui jonche les sols de la région, M. Caron se fait rassurant. Il salue l’implication des producteurs touchés, «alors que ceux-ci investissent des sommes considérables pour conserver leur sol», affirme-t-il. De plus, l’épandage d’engrais vert sur les terres aurait donné des résultats encourageants pour réduire l’érosion. «Il faut rester positif, car des efforts concrets sont déployés par tous les acteurs du milieu», indique-t-il. Pour sa part, Gina Philie souligne avoir déjà abordé le sujet de l’érosion des sols à plusieurs reprises, notamment avec les bureaux des députés Danielle McCann, dans Sanguinet, et Alain Therrien, dans La Prairie. «Des solutions existent, mais il semble y avoir des freins à leur exécution», estime-t-elle.

Érosion éolienne

En général, un centimètre de sol organique est perdu chaque année en raison de l’érosion causée par les vents. La décomposition de la matière élimine aussi un autre centimètre. Néanmoins, les terres organiques ont une espérance de vie de plusieurs centaines d’années, rapporte Jean Caron, professeur titulaire de la Chaire CRSNG en conservation et restauration des sols organiques de l’Université Laval.  
Photo prise à Saint-Michel. (Photo gracieuseté)