chronique

Western sur la plage ou le vrai «trou de ***»

le samedi 11 janvier 2020
Modifié à 19 h 19 min le 05 janvier 2020
Par Michel Thibault

mthibault@gravitemedia.com

J’ai passé les deux semaines avant Noël en vacances à Cuba. Sur la plage, un après-midi, une chanson western a soudainement remplacé le bruit des vagues dans mon oreille. «Ha non !» j’ai bougonné. De la musique de Noël m’aurait peut-être réjoui. Moi et ma charmante épouse nous disions justement que ça faisait drôle de ne pas en entendre en décembre. Mais pas cette musique nasillarde ! Elle provenait d’une radio portative posée près d’un vieil homme qui venait de s’installer à quelques mètres. J’avais envie de lui parler d’une invention qui permet de profiter de nos airs préférés sans les imposer aux voisins : des écouteurs ! Puis bof, je me suis dit que la vie en société comportait des inconvénients et qu’il fallait faire preuve de tolérance. Un touriste de France ne l’entendait pas de cette oreille. Il a vraisemblablement signifié au monsieur, le lendemain, qu’il n’appréciait pas son menu musical. Je ne sais pas exactement ce que le jeune homme lui a dit mais l’amateur de country a grimpé sur ses grands chevaux. «Espèce de trou de *** j’ai payé 2000 piastres pour être ici ! Je vais écouter la musique que je veux», il a crié en anglais. Le Français dans la vingtaine, qui profitait de la plage avec une copine, s’est levé et s’est dirigé vers l’individu furieux. Je pensais qu’ils allaient régler ça aux poings comme dans un saloon. La bagarre est restée verbale. «Je vais aller voir le gardien de sécurité. Il va te chasser d’ici trou de ***», a ragé le propriétaire de la radio. Il croyait que le gardien de sécurité expulserait le couple puisqu’il n’était pas client de l’hôtel. Il n’en fit rien puisqu’il est possible pour les gens de l’extérieur de «louer» un palapas devant l’établissement. Sur l’insistance du fan de western, le gardien a informé le couple qu’il avait le droit d’écouter de la musique. Le monsieur en beau fusil a pris ses affaires et il est venu se poser au même endroit que la veille. C’est-à-dire pas loin de moi. «Flûte !», j’ai grogné intérieurement. À mon grand soulagement, sa radio est demeurée silencieuse. Une jeune Cubaine a rejoint M. Western peu après. Elle devait être dans la vingtaine. Je les ai revus ensemble au souper. Ça ressemblait drôlement à une pratique courante dans ce pays chaud : un vieux schnoque qui paye des vacances à l’hôtel à une pauvre dame pour profiter de ses charmes. Pour moi, le vrai trou de ***, ce n’est pas celui qui ose se plaindre à son prochain que sa musique est plate. C’est celui qui abuse d’une femme dans la misère.