Culture

Elle publiera un premier roman : 5 questions à la bédéiste Sophie Labelle

le dimanche 28 janvier 2018
Modifié à 0 h 35 min le 28 janvier 2018
Par Production Gravite

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(Texte de Marie-Josée Bétournay) Sophie Labelle, bédéiste, conférencière et auteure reconnue pour ses ouvrages sur les enjeux trans, publiera le jeudi 8 février le premier tome d’une série de romans. De toute évidence, le livre Ciel plaira aux fans de la bande dessinée en ligne Assignée garçon qui fait la renommée de la bédéiste originaire de Léry. Parlez-moi de Ciel. Le roman reprend un personnage de votre bande dessinée en ligne. Créer ce lien était important pour vous? Ma bande dessinée en ligne touche un lectorat de plus d’un million de personnes chaque semaine, et mon auditoire est très attaché à mes personnages. J’écris Assignée garçon depuis 2014. C’est un univers que je connais très bien, qui a été facile de transposer dans un roman. C’était une excellente opportunité de pouvoir explorer en profondeur la psychologie et la personnalité de mes personnages, ce que le format de la bande dessinée en ligne, avec son rythme et ses blagues, ne permet pas souvent. Romans, albums jeunesse, bandes dessinées, conférences… pourquoi cette diversification des médiums ? Ce qui lie les différentes facettes de mon travail, c’est le besoin de conter, de partager des histoires et de créer des communautés autour d’elles. J’ai grandi en ayant l’impression d’être seule au monde, dans l’impossibilité de me voir représentée dans les médias (autrement qu’à travers les blagues transphobes qu’on nous sert depuis toujours à la télévision). La fiction et les histoires ont ceci de particulier qu’elles permettent à la personne qui les reçoit de se projeter dans le futur et de croire qu’elle a une place dans l’imaginaire collectif, une place qui soit autre chose que le punch line d’une mauvaise blague. Vous dites que vos écrits deviennent une source de réconfort pour vos lecteurs. Est-ce que vous considérez vos ouvrages comme une forme de soutien psychologique ? Je reçois effectivement énormément de messages de la part de gens pour qui mes petites bandes dessinées ont une importance particulière. Je reçois beaucoup de courrier d’enfants ou de parents qui me remercient de permettre à leurs enfants de se sentir représenté-e. Mais je vois davantage cela comme étant un effet collatéral, puisque je ne représente personne. Je ne fais que partager mes histoires, ce qui, en soi, fait partie d’un processus de guérison personnel. Qu’un lectorat m’accompagne dans ce processus est inespéré. Le côté pédagogique ressort à l’intérieur de vos oeuvres. Peut-on espérer que vos outils s’ajoutent au matériel éducatif dans les écoles ? J’espère que non! Je veux que des personnages trans et non conformes dans le genre envahissent et emplissent nos histoires, comme elles l’étaient avant que des moralistes s’emparent de notre littérature orale pour l’aseptiser et contribuer à nous rendre invisibles. Quand j’entends des gens se surprendre de l’existence de personnes trans et non conformes dans le genre, et du même souffle s’imaginer qu’il s’agit d’un phénomène moderne, je me dis que ce n’est pas d’un simple effort d’éducation dont on a besoin, mais d’une reconquête de la place qui nous a été enlevée dans la culture. Nous avons toujours été là, et quant à moi, le travail qui reste à faire vise surtout à faire comprendre que nos expériences font partie de l’expérience humaine en général. En faisant des enjeux trans une catégorie de savoir qu’on doit maîtriser avant de simplement pouvoir interagir respectueusement avec une personne trans, cela contribue à déshumaniser et à altérer, rendre “autres” les personnes trans. Maintenant, que l’on considère mon travail comme étant éducatif, voire pédagogique, ça ne me regarde pas, mais je me dis qu’on est peut-être dans la bonne voie lorsqu’on considère que mon but premier en écrivant mes histoires, c’est de faire rire les personnes trans, en grossissant des détails de nos vies quotidiennes. Le fait de pouvoir rire avec les personnes trans plutôt que de rire d’elles, comme des siècles de socialisation nous poussent à le faire, me pousse à croire que tout est possible. Et après le roman Ciel, d’autres projets vous attendent ? Il s’agit d’une série, alors plusieurs tomes vont suivre. Je vais également continuer à produire ma bande dessinée en ligne Assignée garçon, qui fêtera ses 4 ans cet été, et je commence une tournée de conférences en Europe à la mi-février. De quoi me tenir occupée!