Boulevard Pierre-Boursier : difficile cohabitation résidentielle et industrielle
Si le développement du parc industriel est une bonne nouvelle pour le portefeuille de la Ville de Châteauguay et ses contribuables, il l’est moins aux yeux de citoyens qui habitent sur le boulevard Pierre-Boursier. Ceux-ci craignent être condamnés à vivre dans un parc industriel avec les désagréments qui en découlent. La Ville, de son côté, affirme imposer des contraintes aux entreprises qui s’installeront pour diminuer les nuisances aux résidents.
Harit Al-Dabbagh, Agnieszka Wielogorska, Bintou Traore, José Louis Banda et Dee-Anne Naylor habitent tous sur le boulevard Pierre-Boursier, entre le boulevard Kennedy et la rue Dupuis, soit juste en face de la zone industrielle. Pour l’instant, une grande partie du secteur est boisé. Cependant, le portrait sera amené à changer avec le développement du parc industriel amorcé en 2022.
Les résidences à droite sur la photo font face au début de la zone industrielle à Châteauguay. (Photo : Le Soleil - Valérie Lessard)
«Il y a des terrains qui sont vendus et d’autres qui sont à vendre. Pour nous, ça pose un problème de cohabitation entre le résidentiel et l’industriel. On est très inquiet», explique Harit Al-Dabbagh.
Camionnage
Depuis ce printemps, un nombre important de camions transportant de la terre et de la roche circulent au quotidien, ce qui occasionne du bruit, de la vibration et de la poussière vers les résidences. «La chambre de ma fille est en face du boulevard. Elle est déménagée dans ma chambre, parce que c’est invivable», confie Bintou Traore.
Les camions font des allers-retours via un terrain en face de chez elle et doivent régulièrement empiéter dans l’autre voie puisque le virage est trop serré. «Tu te demandes s’il ne va pas aller sur mon bâtiment», dit-elle.
Dee-Anne Naylor, qui travaille de la maison, ne peut jamais ouvrir les fenêtres en raison de la poussière et du bruit. Elle a aussi retrouvé des roches de bonnes dimensions sur son terrain. «Tu ne peux pas te stationner chez vous en sécurité. Tu ne peux pas marcher pour aller chercher la poste, c’est trop dangereux», souligne-t-elle.
En temps normal, les camions sont interdits sur cette section du boulevard. Selon le maire de Châteauguay Éric Allard, l’actuel camionnage est temporaire. La Ville s’apprête à construire une nouvelle rue qui sera parallèle au boulevard dans le parc industriel. Une entreprise est aussi en voie d’être construite derrière l’entreprise Ekyrail, qui a pignon sur le boulevard Ford. «Cette entreprise-là requiert des camions qui viennent porter de la terre pour niveler le terrain, mais ça va durer quelques mois seulement», affirme-t-il. Lorsque la nouvelle rue sera construite, les camions devront utiliser celle-ci et passer par le boulevard Ford pour sortir du parc industriel.
Zone tampon
Les citoyens de cette zone reprochent à la Ville de ne pas avoir été consultés et d’être tenus dans l’ignorance par rapport à ce qui s’en vient en face de chez eux. «Il y a un manque de transparence, une certaine opacité. On ne sait pas ce qui a été vendu. On a demandé des plans. Quelles sont les entreprises qui vont être juste en face de chez nous ?» questionne Agnieszka Wielogorska.
Le maire se défend de ne pas avoir consulté les résidents. «Je suis allé les rencontrer, il y a un mois ou deux, avec un schéma, des cartes, avec la conseillère du quartier Mme Laberge», répond-il.
Jusqu’à maintenant, un seul des trois terrains qui donnent sur le boulevard Pierre-Boursier a été vendu. C’est celui le plus à l’extrémité du boulevard, tout près du viaduc et de l’autoroute 30. Une entreprise de réfrigération s’y installera.
Harith Al-Dabbagh craint une augmentation du bruit et souhaite une étude d’impact sur les projets à venir. «Avec la machinerie lourde, les vibrations incessantes et le manque de sommeil, c’est rendu invivable pour tout le monde», écrit-il dans un mise en demeure signée conjointement avec des voisins.
La réglementation sur les nuisances en vigueur sur le territoire de la municipalité n’indique pas de niveau de décibels chiffrés, informe Éric Laparé, conseiller aux communications à la Ville. «Le niveau de bruit autorisé dépend du type de bruit (musique, chantier, mécanique, etc.) et du niveau de bruit ambiant normalement perçu aux alentours afin de déterminer si le bruit trouble la tranquillité du secteur et constitue une nuisance», souligne-t-il.
Pour aider à réduire le bruit, M. Allard mentionne que la Ville imposera aux entreprises l’ajout d’un talus végétalisé entre la zone résidentielle et industrielle. «Une aire tampon de 20 mètres de profondeur devra être conservée, à partir de la ligne de terrain avant longeant le boulevard Pierre-Boursier», peut-on lire dans le projet de changement de règlement.
«Aucune entrée charretière ou allée d'accès pour un nouvel usage ne pourra se faire via le boulevard Pierre-Boursier à l’exception d'un terrain adjacent à l’autoroute 30», précise-t-on aussi dans le règlement. L’entrée des nouvelles industries devront être sur la future rue.
L’exception vise le terrain acquis par l’entreprise de réfrigération. «Il y aura une entrée sur Pierre-Boursier et les camions vont devoir aller vers le viaduc, précise M. Allard. Dans les plans, il y a une courbe, les camions ne pourront pas tourner à droite [sur le boulevard]. Notre objectif, c’est de limiter le plus possible la circulation sur Pierre-Boursier où il y a les résidences.» Les espaces de chargements des camions seront vers l’autoroute 30 pour limiter le bruit, ajoute-t-il.
La résidence située au 390, Pierre-Boursier, du côté du parc industriel, est présentement à vendre. La Ville envisage de l’acquérir ou l’exproprier pour allonger l’éventuel talus végétalisé.