Actualités

Dire adieu au trafic du pont Mercier a changé sa vie

le mardi 23 janvier 2018
Modifié à 15 h 59 min le 23 janvier 2018
Par Michel Thibault

mthibault@gravitemedia.com

Mardi. Heure du lunch. Attablée dans un Tim Hortons à Châteauguay, Karine Valade parle de sa décision le visage radieux. Cet automne, la femme de 38 ans a quitté un emploi qu’elle appréciait à l’hôpital Sainte-Justine pour aller occuper un poste au CLSC Châteauguay. Dans la ville où elle habite. Moins de cinq kilomètres séparent son domicile de son emploi comparativement à plus d’une vingtaine auparavant, en passant par l’achalandé pont Honoré-Mercier. «Ça a changé ma vie. J’ai vu la différence dans mon corps. Ça m’a fait du bien. Je suis heureuse intérieurement, on dirait que je flotte», affirme la mère monoparentale de trois garçons, adjointe administrative de profession. Dix ans dans le trafic Ça faisait dix ans que Karine Valade effectuait l’aller-retour entre Châteauguay et Montréal chaque jour de semaine. «J’étais tannée d’être prise dans le trafic. Sur le pont Mercier, la 20, la 15. Des travaux, des pannes, des accidents, y a toujours plein d’affaires sur le pont Mercier. Tu veux manger ton volant ! » lance la dame qui a déménagé de Ville Émard à Châteauguay en 2007. «Je voulais une meilleure vie pour mes enfants. Je suis venue rejoindre mon père Maurice Valade qui m’aide beaucoup», mentionne-t-elle.
J’aimais ça là-bas. On était vraiment soudés. Les derniers jours, à chaque fois que quelqu’un venait me voir, on pleurait. Mais c’est fait, je ne regrette pas !
Tant de temps perdu Parcourir les 23 km entre son domicile et son lieu de travail grugeait beaucoup de temps dans l’horaire de la mère de trois garçons sportifs. Pour arriver à l’heure à Sainte-Justine, Karine Valade se levait à 4h45. «Je me couchais au maximum à 10h», note-t-elle. Ce, après des journées passées, au fil des ans, entre la maison, le travail, la garderie, l’école, les arénas, les parcs. Félix, Thomas et Matis jouaient au hockey et au football. Karine Valade a souvent songé à trouver un poste à Châteauguay. Elle en a même décroché un deux fois dans le passé, pour finalement les refuser. «J’avais un poste permanent à Sainte-Justine. Quand mes enfants étaient jeunes, je ne pouvais pas me permettre de vivre au jour le jour ou de travailler une fin de semaine sur deux», souligne-t-elle. L’enfer Turcot Les travaux en cours dans l’échangeur Turcot l’ont décidée. «C’était trop l’enfer. Je partais à 4h45. Si je partais à 5h30, j’arrivais à 8h au travail. C’était dégueulasse !» se désole Mme Valade. L’âge de ses enfants, 12, 15 et 18 ans, a pesé dans la balance. «Quand intérieurement j’étais prête à faire le grand saut, c’est qu’enfin j’ai décidé de penser à moi! Les enfants ont toujours passé avant moi dans tout depuis qu’ils sont nés, donc j’ai ressenti le besoin de penser à moi en premier et surtout d’améliorer ma qualité de vie!» témoigne Karine Valade. Du courage Ça prend du courage pour changer d’emploi après 17 ans, admet-elle. «J’ai sacrifié beaucoup d’avantages. J’ai perdu mon ancienneté, mes choix de vacances, mes congés fériés, mes journées de maladie», détaille-t-elle. Et il y a son milieu de travail qu’elle appréciait beaucoup. «J’aimais ça là-bas. On était vraiment soudés. Les derniers jours, à chaque fois que quelqu’un venait me voir, on pleurait, relate Mme Valade. Mais c’est fait, je ne regrette pas !» Tant d’avantages Depuis qu’elle a commencé à travailler au CLSC Châteauguay, à quelle heure Karine Valade règle-t-elle son réveil ? «Ha mon dieu, je le mets à 7 h. Je pars à 7h52 et j’arrive en avance. C’est plus long déneiger mon auto que de me rendre», dit en riant la dame dont l’horaire est de 8h à 16h. «J’arrive à la maison à 4h05. À 5h30, tout est fait. Ça me laisse plus de temps avec les enfants, le sport, souper tranquille», fait part la femme bénévole depuis cinq ans dans l’organisation des Raiders de Châteauguay, qui bénéficie aussi du dévouement de Maurice Valade. Les économies d’essence figurent aussi dans la colonne des gains. «Ça me coûte 20 $ d’essence par semaine. Avant c’était 20 $ aux deux jours. Aussi, le stationnement était de 58 $ aux 2 semaines à Sainte-Justine; ici c’est 10 $ aux 2 semaines», expose Karine Valade. Vivre à Châteauguay Au lieu de changer d’emploi, a-t-elle envisagé de retourner vivre en ville ? Négatif. «En ville, t’es stressé. Ici c’est plus calme. On peut prendre des marches. J’aime la nature, avec ma cour, ma piscine», dit Mme Valade. Plusieurs cas Selon Mme Valade, beaucoup de gens dans son entourage qui travaillent à Montréal voudraient faire comme elle. «J’en connais beaucoup, mais ils ont peur», note-t-elle. Selon une étude (voir encadré), le temps passé dans le trafic peut causer des ennuis de santé. À Châteauguay, Mercier, Beauharnois et Léry, en 2011, près de 17 000 personnes consacraient plus de 30 minutes au voyagement entre leur domicile et leur lieu de travail, selon des données de la Communauté métropolitaine de Montréal. [caption id="attachment_37248" align="alignleft" width="521"] Du trafic au pont Mercier en direction de Montréal.[/caption] Trafic et burn-out liés selon une étude Il existe un lien «significatif» entre le temps passé dans le trafic et l’épuisement professionnel, selon une étude menée par une étudiante au doctorat à l'École de relations industrielles de l'Université de Montréal. De longs moments passés dans la congestion occasionnent du stress qui, à long terme, peut mener au burn-out. En général, le seuil acceptable serait de 20 minutes de route, selon un article sur la chercheuse Sophie Barreck publié sur «udemnouvelles». «Au-delà, le risque d’épuisement professionnel augmente significativement», indique l’article. Aux fins de l’étude, 1942 personnes âgées de 17 à 69 ans, travaillant à 63 endroits dans la province ont été sondées.   Pourcentage des navetteurs travaillant à Montréal (2011) Châteauguay – 53 % Mercier – 40 % Beauharnois – 20 % Léry – 31 % Saint-Isidore – 26 % (Source : Communauté métropolitaine de Montréal)