Moins d’eau pour des légumes sains

Le drainage de l’eau à la surface des champs est pratiqué au printemps seulement pour assécher le sol. (Photo : Le Soleil – Denis Germain)
Les Fermes Gilles Roy et fils cultivent des concombres, des choux et des poivrons depuis six générations sur leurs terres du rang Sainte-Marguerite à Mercier. Irrigation, drainage, le producteur Christian Roy minimise l’utilisation de l’eau au profit de légumes sains.
«Quand tu mouilles le feuillage d’un plant de piment ou concombre, tu favorises des champignons», explique M. Roy. Le producteur favorise l’irrigation goutte à goutte dans ses pratiques.
Le drainage de l’eau à la surface des champs est également pratiqué au printemps pour assécher le sol. «En mai, notre sol est froid pour avoir de bonnes dates de semis pour rentrer au champ dans un sol sec. […] Le drainage de surface est nécessaire pour rentrer le plus tôt possible dans nos champs parce que les premiers gels au Québec c’est en octobre», indique Christian Roy.
3 semaines d’irrigation
Cet été, le producteur a eu recours à l’irrigation de ses terres durant les canicules qui se sont étirées pendant trois semaines consécutives. «On était à 100 % des capacités d’irrigation», confie-t-il. Les réserves souterraines étaient basses en raison de la demande grandissante au champ. «Ce n’était pas une catastrophe. On était capables de sortir l’eau des puits», poursuit-il.
Ces épisodes ne sont pas réguliers pour M. Roy. Il relate que de 2022 à 2024, les étés pluvieux ont nécessité peu d’irrigation. Les systèmes ont servi à 20 % de leur capacité.
Le producteur ne craint pas qu’un manque d’eau puisse avoir raison de ses cultures. L’eau de la nappe phréatique se renouvelle, selon lui. Christian Roy s’inquiète davantage des conditions de vente de ses légumes bien souvent laissés au prix coûtant ou bien en dessous. «Avant de manquer d’eau, on va manquer de légumes parce qu’on n’a pas de prix pour nos légumes au Québec», confie-t-il.
En agriculture, un prix se rattache à l’usage de pesticides, d’engrais et de l’eau. «Il y a un coût à pomper de l’eau en considérant les tuyaux, le diésel, les pompes», énumère M. Roy. Le producteur parle d’une agriculture de précision pratiquée au Québec.
Adapter les pratiques agricoles
L’agronome Jean Caron parle en faveur de l’irrigation des terres agricoles en présence d’«épisodes de sécheresse importants». Le professeur-chercheur en physique du sol à l'Université Laval à Québec ajoute qu’une adaptation des pratiques agricoles peut être aidante pour la recharge de la nappe phréatique. Les cultures intensives, comme le maïs et le soya, ne favorisent pas l’infiltration de l’eau. M. Caron recommande une culture de plantes fourragères reconnues pour leur système racinaire. «Le sol, tu le fais travailler deux années, l’autre année tu l’envoies en rotation à faire du fourrage. Le gain de productivité, les deux années suivantes, va compenser pour la perte», résume Jean Caron. Les plantes fourragères jouent sur deux volets : nourrir le sol de matières organiques et contribuer à l’écoulement de l’eau vers la nappe phréatique.
Il recommande aussi le retour des digues enrochées. Ces espaces sur les terres agricoles emmagasinaient l’eau avant qu’elle ne descendre dans le sol. Ces digues sont disparues afin de hausser les surfaces de production. «Il faut ramener des structures qui vont permettre une meilleure infiltration», indique Jean Caron.
Des ouvrages sont en cours pour pallier la situation en Montérégie-Ouest. Daniel Paradis, professeur agrégé à l’Institut national de la recherche scientifique (INRS), explique que des spécialistes dressent un portrait des pratiques de gestion de l’eau dans tous les secteurs d’activité. L’objectif du projet de Gestion régionale des ressources en eau (GÉREAU) : réduire la pression sur l’eau pour mieux l’utiliser. Par la suite, les spécialistes réfléchiront aux solutions possibles.