La rivière Châteauguay est mal en point

Des scientifiques font l’inventaire des espèces de poissons présentes dans le bassin versant de la rivière Châteauguay ces jours-ci. Ils ont fait une découverte qui les inquiète à proximité du pont Arthur-Laberge à Châteauguay.
«Ce n’est pas une bonne nouvelle que le gobie à tache noire soit rendu jusqu’au boulevard D’Anjou», laisse entendre Priscilla Gareau, biologiste et directrice générale d’Ambioterra. Cet organisme non gouvernemental à but non lucratif a été fondé en 2002 par des professionnels qui se préoccupent de l’environnement et de la justice sociale. Leur mission est de protéger la biodiversité, particulièrement les espèces menacées dans le sud du Québec. Leur projet d’inventaire est financé par le Programme d’intendance de l’habitat pour les espèces en péril d’Environnement Canada. Le but de cette démarche est d’évaluer l’étendue géographique du gobie à taches noires, espèce exotique envahissante «très inquiétante», dans la rivière Châteauguay, selon Mme Gareau.
Depuis la mi-septembre, cette dernière et la géographe Elisabeth Groux-Tellier parcourent le cours d’eau pour identifier les différentes espèces de poisson présentes. Deux à trois fois par semaine, elles enfilent leur salopette de pêcheur pour collecter les données. «Au total, une quinzaine de stations vont être inventoriées de la section le plus en amont en sol québécois (municipalité d’Athelstan) jusqu’au pont du boulevard D’Anjou à Châteauguay», précisent-elles.
Pour attirer ces êtres vivants, les spécialistes utilisent un engin de pêche électrique à bas voltage qui envoie des ondes de choc.
Pour identifier les menaces
L’étude ne s’arrête pas seulement à l’impact du gobie à tache noire sur l’environnement aquatique. Les chercheuses veulent vérifier les circonstances historiques de deux poissons menacés dans la rivière; le dard de sable et le fouille-roche gris. Les principales menaces à la survie de ces deux espèces ainsi que les propriétaires et intervenants territoriaux sont à identifier. La compilation de ces informations pourra servir à élaborer un plan de conservation de la faune dans la zone amont du bassin versant de la rivière Châteauguay. Les principales intéressées comptent acquérir des connaissances sur les variétés de vertébrés aquatiques d'intérêt pour la pêche sportive et leurs habitats en vue d'aménagement et de restauration. Les stations d’inventaire seront aussi observées pour ainsi caractériser la niche écologique du poisson.
Une eau polluée
«La rivière Châteauguay présente à son entrée en sol québécois une eau de qualité douteuse en raison de sa teneur élevée en phosphore et en chlorophylle a. La qualité s’améliore quelque peu entre la frontière et l’aval de Huntingdon, en raison de la confluence de la rivière Trout qui présente une eau de bonne qualité et du traitement conjoint des eaux usées de trois municipalités», indique le résumé des faits saillants de l’État de l’écosystème aquatique du bassin versant de la rivière Châteauguay du ministère de l’Environnement.
«Si vous prenez connaissance du rapport portant sur les rivières au Québec, la rivière Châteauguay est parmi les plus polluées, soutient la biologiste. Les bandes riveraines sont insuffisantes et c’est ce qui contribue à l’absorption des contaminants», ajoute-t-elle. Selon l’atlas interactif de la qualité des eaux de surface et des écosystèmes aquatiques du ministère de l’Environnement, la station située au pont de la route 205 au nord de Sainte-Martine, indique que l’indice de qualité bactériologique et physicochimique est qualifié de très mauvais. Le taux de phosphore enregistré à la station de la rivière des Anglais à Howick qui ruisselle vers Châteauguay est aussi trop élevé (plus de 0,200 mg/l, comparativement à moins de 0,030 mg/l pour un niveau satisfaisant). Ces données ont été compilées de 2012 à 2014.
Lorsque l’inventaire sera complété, Ambioterra produira un rapport final qui sera disponible en mars 2017 au public. «Nous le présenterons au grand public et aux principaux intervenants ayant un impact sur la qualité des habitats fauniques de la rivière Châteauguay», indique Priscilla Gareau.
Gobies à taches noires
Poisson originaire d'Asie
Taille de 8 à 15 cm
Yeux globuleux et proéminents
Vit au fond de l'eau
Se nourrit de larves d'insectes, œufs de poissons, moules zébrées
Il est une menace pour le fouille-roche gris et autres petits poissons
L'achigan à petite bouche s'en nourrit
Présent dans le fleuve, le Richelieu, la rivière des Outaouais et l'embouchure de la Châteauguay
Absent des eaux intérieures du Québec
(Source : Ambioterra. 2014. Le gobie à taches noires, Ambioterra, Saint-Chrysostome)
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