L'avocat de Lahache obtient sa libération malgré un bris de conditions

Un présumé fraudeur dans une importante affaire de contrebande d'alcool est rentré chez lui, sur la réserve amérindienne de Kahnawake, malgré un bris de conditions. Il continuait de gérer certaines des affaires de First Nations Winery, même si ses conditions de libération lui interdisaient d'œuvrer dans l'industrie du vin.
Floyd Lahache fait partie d'un groupe de 13 personnes arrêtées au mois de mai pour avoir participé à un important réseau de contrebande d'alcool, qui opérait à partir de Kahnawake pour éviter de payer des taxes. Ils auraient ainsi détourné environ 14 M$ des coffres de l'État.
M. Lahache a été libéré après son arrestation moyennant un dépôt de 20 000$ et le respect de certaines conditions. Une de ces conditions était de ne pas s'impliquer dans l'industrie du vin.
Or, selon la preuve déposée en cour la semaine dernière, Lahache aurait appelé la directrice générale de l'entreprise 37 fois en cinq semaines, en plus de signer des chèques au nom de l'entreprise et de renouveler son permis fédéral de producteur d'alcool. Il a donc été arrêté pour bris de conditions le 16 octobre.
Le juge Denis Noël a toutefois estimé que la condition qui lui était imposée était trop vague. Il a donné le «bénéfice du doute» à l'accusé, même après avoir souligné des problèmes de crédibilité dans son témoignage.
Le juge Noël a donc libéré Lahache le 23 octobre, après deux jours d'audiences. Il lui a toutefois ordonné de fermer la First Nations Winery et le compte bancaire de l'entreprise, en plus de remettre son permis de producteur au gouvernement.
«On va fermer le pont!»
La décision du juge était toutefois loin de faire l'affaire de l'accusé, de son avocat ou de la communauté mohawk.
«Ils ne peuvent pas fermer nos entreprises comme ça! S'ils ferment nos entreprises, on va fermer le pont. Ça va être comme en 1990», a lancé une jeune Mohawk à la sortie du tribunal.
L'avocat de Lahache, Me Roberto T. De Minico, a vertement critiqué la condition imposée à son client.
«Il n'a pas le droit d'ordonner la fermeture de l'entreprise. L'entreprise n'est accusée de rien», a-t-il lancé, sans toutefois préciser s'il comptait demander une modification à cette condition.
Conflit sur la taxation des autochtones
Le chef de bande de Kahnawake, Joe Norton, ainsi que plusieurs autres membres de la Nation mohawk, étaient présents au palais de justice de Longueuil, la semaine dernière, en appui à Floyd Lahache. La nation considère que les activités de First Nations Winery étaient légales et que les Mohawks n'ont pas à prélever de taxes sur l'alcool pour le gouvernement québécois.
«Votre gouvernement veut nous imposer des taxes. Notre position, c'est de ne pas accepter. Nous ne prélevons pas de taxes», a affirmé M. Norton, selon des paroles rapportées par le quotidien La Presse.
Un autre témoin de la défense, Alwyn Norris, qui a participé aux négociations menant à un accord sur la gestion des permis d'alcool sur la réserve de Kahnawake en 1999, a également souligné que Québec était au courant des activités de production d'alcool depuis 2005. Le gouvernement avait même envoyé un chimiste pour tester la qualité du produit.
Le gouvernement a toutefois envoyé une lettre à la communauté mohawk à la même époque, afin de s'opposer à la production d'alcool sur la réserve. Selon le gouvernement, l'entente de 1999 ne permet pas à Kahnawake d'émettre des permis de production d'alcool, comme elle l'a fait pour la First Nations Winery.
Le procureur de la Couronne, Me Philippe Vallières-Roland, a également souligné que 95% de la production n'était pas destinée à la consommation interne de Kahnawake, mais plutôt au marché noir québécois et ontarien. «Si on libère M. Lahache, on lance le message qu'on peut frauder le gouvernement pour des millions de dollars, briser nos conditions de libération en continuant nos activités, et quand même rentrer chez nous», a-t-il affirmé.
Les parties seront de retour en cour le 16 décembre.