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Les arrêts des chefs dans la région analysés par un expert

le mardi 09 octobre 2018
Modifié à 19 h 13 min le 09 octobre 2018
Par Marie-Josée Bétournay

mjbetournay@gravitemedia.com

La récente campagne électorale provinciale a vu passer plus d’un chef de parti dans les circonscriptions de Beauharnois et Châteauguay. Leurs visites ont-elles influencé les résultats du lundi 1er octobre, au même titre que les sondages? «Oui, répond Thierry Giasson, professeur titulaire au département de science politique de l’Université Laval à Québec. Des enquêtes démontrent qu’en combinant un passage (d’un chef de parti dans une circonscription), un candidat vedette, un retour médiatique et la machine sur le terrain pour faire sortir le vote on peut aller chercher des gains de près de 5 % dans une élection qui est serrée.» «Science électorale» M. Giasson mentionne que le choix des lieux qu’un chef visite relève d’une «science électorale» et non d’une «organisation improvisée». Les endroits sont déterminés plusieurs mois avant le début d’une campagne en fonction de l’état de l’opinion publique, l’état du vote et des intentions de vote, dit-il. La définition d’une circonscription, château-fort (elle est dirigée par le même parti élection après élection) ou champ de bataille (l’écart entre le gagnant et le parti arrivé en 2e place au cours des dernières élections se situe à moins de 10 %), influence aussi les décisions.
La poutine, c’est le mets classique. On veut créer l’impression que ces leaders sont comme l’électeur moyen. Thierry Giasson
François Legault, chef de la Coalition Avenir Québec, a visité les régions de Beauharnois et Châteauguay à six reprises depuis la mi-juillet. À Châteauguay, château-fort des libéraux depuis 1985, il a participé à un dîner de militants à la Brasserie Lafontaine avant d’annoncer les candidates dans Châteauguay et Sanguinet, à la FADOQ, le 24 août. Il est revenu le 10 septembre pour une annonce en soins à domicile aux résidences pour personnes âgées autonomes Vice Versa. Selon le professeur titulaire, les caquistes se sont présentés à maintes reprises dans Châteauguay parce que la circonscription se situe à quelques pas de celles de La Prairie et Sanguinet que l’on annonçait «probablement comme des circonscriptions qui» allaient «passer à la CAQ» durant les 39 jours de campagne. «La CAQ a une approche que l’on appelle «par grappes régionales». Le parti investit dans des circonscriptions voisines où il pense faire des gains», explique-t-il. Par sa présence à Châteauguay, la Coalition Avenir Québec voulait ainsi «marquer sa présence, chauffer le député libéral et ancien aspirant à la chefferie, mettre de la pression», résume Thierry Giasson. La grappe régionale de la CAQ s’est étendue à la circonscription de Beauharnois, bastion péquiste depuis 1994, indique M. Giasson. François Legault a été aperçu à Salaberry-de-Valleyfield en juillet dans le cadre des 80es Régates de Valleyfield, le 1er août pour l’annonce des candidats dans les circonscriptions de Beauharnois, Huntingdon et Soulanges, puis le 24 août pour présenter un projet de remplacement des centres d’hébergement de soins de longue durée (CHSLD) en maisons des aînés. Le 30 septembre, la veille du jour du scrutin, il est revenu le temps d’un bain de foule à la boulangerie La Petite Grange. Le chef du Parti Libéral du Québec Philippe Couillard a poursuivi sa route sans s’arrêter dans Châteauguay. Selon Thierry Giasson, l’équipe stratégique ne voyait pas l’importance d’investir dans cette circonscription puisqu’elle était assurée d’y réélire le député sortant Pierre Moreau. Ce qui ne s’est pas concrétisé. Sortie à la pataterie Durant la campagne François Legault et Philippe Couillard, du Parti libéral du Québec, se sont tous les deux arrêtés chez Patate Mallette à Beauharnois. M. Legault s’y est rendu pour dîner avec des militants le 5 septembre. Son repas : une poutine. M. Couillard a fait de même le 23 septembre. Son repas : deux hot-dogs. «Ça permet d’humaniser le chef, un homme ordinaire qui mange des patates sur le bord de la route. Ils le font partout», affirme M. Giasson. [caption id="attachment_49927" align="alignnone" width="521"] Philippe Couillard chez Patate Mallette. (Photo: Michel Thibault)[/caption] M. Legault a paru détendu et jovial et a eu droit à un accueil chaleureux des gens présents. M. Couillard ne semblait pas à l’aise et les clients sur place sont restés distants. «Un bon chef devrait être capable de dire à son équipe : «Je ne ferai pas cela». Un malaise ça transparait, c’est évident», croit le professeur de politique. Sa présence dans une pataterie a eu lieu quelques jours après sa déclaration voulant qu’une famille de trois personnes puisse se nourrir pour la somme de 75 $ par semaine. Une vidéo de sa visite, publiée sur le compte Facebook du Soleil de Châteauguay, a généré plus de 200 commentaires, à peu près tous négatifs à l’endroit de l’ex-premier ministre. Pour M. Giasson, l’affluence de commentaires démontre que les internautes suivent la campagne électorale de près et sont en mesure d’analyse l’impair d’un politicien. Les autres chefs Manon Massé, co-chef de Québec Solidaire, était de passage à Salaberry-de-Valleyfield en avril pour l’annonce du candidat Pierre-Paul St-Onge dans Beauharnois. Elle ne s’est pas arrêtée dans Châteauguay. Jean-François Lisée, chef du Parti Québécois, a prêté main-forte à sa candidate dans la circonscription de Beauharnois le 23 septembre. Il n’a pas été aperçu dans Châteauguay.