Les friperies envahies de matériel impropre à la revente

Linda Courtemanche, de la la friperie communautaire Entraide de Mercier, exhibe un vêtement imperméable avec des traces de moissisure. (Photo: Le Soleil - Jules Gauthier)
Des vêtements tachés, troués, des objets brisés : chaque semaine, les employés du Centre communautaire de Châteauguay et d'Entraide Mercier en reçoivent par centaine. Les deux organismes participent à la campagne Friperie en bon état afin de sensibiliser la population à la sélection consciente entre les biens qui peuvent avoir une deuxième vie et ceux qui doivent prendre la direction de la poubelle.
« On fait cette campagne de communication avec plusieurs friperies, car on a tous les mêmes enjeux en ce moment. On reçoit un grand volume de dons qui ne sont pas propices au réemploi, on pense que derrière ce phénomène se cache une méconnaissance des donateurs sur ce qui est acceptable ou non de donner dans une friperie », déclare d’emblée Anik Sauvé, directrice générale de la friperie communautaire Entraide de Mercier. En tout, ce sont sept friperies de la région de Châteauguay qui participent à cette initiative.
À la poubelle
Elle estime en ce moment que c’est de 30% à 40% des dons reçus qui ne peuvent pas être utilisés et cela va en augmentant. « Quand ce n’est pas en bon état, les vêtements et les objets prennent la direction du site d’enfouissement après un deuxième tri opéré chez l’entreprise Certex de Saint-Hubert. On a trois conteneurs de grandes capacités qui sont vidés régulièrement », se désole Mme Sauvé.
Même son de cloche au Centre communautaire de Châteauguay situé sur la rue Principale. Selon la directrice générale Nadia Tremblay, sur environ 800 sacs de vêtements qui sont triés par semaine, il y en a presque 300 qui seront envoyés pour un second triage ou au dépotoir tout simplement.
Actuellement au Québec, il y a quelques initiatives de recyclage du textile, mais ce n’est pas encore déployé à grande échelle d’après Mme Sauvé. « Dans l’imaginaire des gens, ils pensent que le textile va être recyclé mais au Québec, on n’en est pas encore rendu là malheureusement ».
Nadia Tremblay, du Centre communautaire de Châteauguay, devant des dizaines de sacs de vêtements inutilisables qui devront aller au site d’enfouissement. (Photo: Le Soleil - Jules Gauthier)
Un travail minutieux
Dans l’arrière-boutique d’Entraide Mercier, plusieurs bénévoles et employés s’affairent à vérifier et à trier le contenu des sacs de dons.
« Il faut compter toutes les pièces des casse-têtes que l’on reçoit, vérifier que tout fonctionne et que rien ne soit brisé. Parfois, des gens me déposent des choses cassées devant moi. Ils le savent, mais on dirait qu’ils n’ont pas de scrupule à le faire », explique Israël Rabault, employé depuis 13 ans à la friperie.
Entourée par plusieurs vêtements tachés de peinture, sales ou troués sur sa table de travail, Linda Courtemanche souhaiterait que les gens se posent la question à savoir s’ils seraient prêts ou non à acheter et mettre les vêtements qu’ils s’apprêtent à donner à une friperie.
« C’est beaucoup de travail, de gens mobilisés et de sous investis là-dedans, ce serait vraiment bien si la population pouvait nous aider à faire une portion du triage », mentionne pour sa part la directrice du Centre communautaire de Châteauguay.
De nouvelles réalités
Les employés d’Entraide Mercier ont notamment remarqué depuis les derniers mois une diminution de la qualité mais aussi du volume des dons qui sont faits. Anik Sauvé évoque certaines pistes qui pourraient expliquer ces phénomènes. Elle croit premièrement que certaines personnes seraient davantage tentées par la vente de leurs vêtements sur des plateformes virtuelles comme Marketplace ou Kijiji afin de gagner de l’argent. De plus, avec la pandémie, les gens qui ont moins consommé seraient moins enclins à redonner. L’inflation et l’augmentation du coût de la vie pourraient aussi avoir un certain effet sur les habitudes des gens, insinue-t-elle.
Nadia Tremblay a remarqué de son côté qu’il y a de plus en plus de jeunes qui viennent acheter des vêtements à la friperie. « C’est une nouvelle tendance, la sensibilité aux concepts environnementaux y est pour beaucoup chez la jeune génération. Il y a encore énormément de gens qui donnent au suivant », suggère-t-elle.
Déconstruire les mythes
La grande majorité des gens ne sont pas de mauvaise foi lorsqu’ils viennent porter des dons, bien au contraire, témoigne Anick Sauvé. Néanmoins, pour le bénéfice de tous, elle se dit qu’il serait judicieux de déconstruire certains mythes qui collent encore à la peau des friperies.
Outre le mythe du recyclage des textiles, le plus tenace est sans doute celui du lavage et de la réparation des vêtements. Les employés de la friperie Entraide Mercier sont formels : ils n’ont pas le temps pour ça et c’est aux gens de s’assurer de la propreté et de l’état des dons, soulignent-ils.
Petite exception du côté de Châteauguay où Mme Tremblay explique qu’une infime quantité de vêtements griffés seulement est passée à la laveuse afin de les rendre présentables.
Un merci du fond du cœur
Les friperies de la région tiennent toutefois à remercier les citoyens qui contribuent en grand nombre à garnir les allées et les tablettes des magasins de seconde main.
« C’est important pour les donateurs qu’ils sachent que lorsqu’ils donnent dans un organisme communautaire, c’est vraiment un geste altruiste et de bienveillance qu’ils posent. Ça permet d’offrir des emplois à des gens, ils contribuent au filet social et donnent la chance aux plus démunis de s’approvisionner à bas prix! », confie Anik Sauvé.