Manque de services: une résidence pour personnes aînées ferme à Châteauguay
La Villa d’Youville. (Photo : Le Soleil – Valérie Lessard)
Nourriture laissant à désirer, aliments manquants à la cuisine, rares tournées de sécurité, problème de rétention du personnel… des résidents dressent un tableau sombre de la Villa d’Youville à Châteauguay. Le journal a appris que l’établissement fermera ses portes.
Jeannine Tougas est arrivée à la résidence pour personnes aînées en juillet 2024. Depuis, la femme de 85 ans note de la négligence sur le plan de l’alimentation. «On avait la moitié d’une petite patate. Il n’y avait pratiquement rien dans nos assiettes», mentionne-t-elle. Puis la situation s’est rétablie avant de se dégrader à nouveau. Depuis quelques semaines, Mme Tougas se nourrit plus souvent qu’autrement de sandwichs. «Les cuisinières n’ont pas d’argent pour faire de beaux repas. On n’a pas le choix de prendre ce qu’elles nous donnent», dit-elle. Un autre résident, qui désire préserver son identité pour des questions de sécurité, refuse des repas et se nourrit de sandwichs aux tomates et de grillcheeses. En octobre, il raconte avoir déposé une plainte au gouvernement pour l’aviser de la situation.
Sur le plan de la sécurité, Jeannine Tougas note également des manquements. Les tournées du personnel se font «très très rares». Et lorsqu’elle demande de l’aide? «Je sonne ma cloche, mais ça prend combien de temps avant qu’elle vienne? Peut-être au bout d’une heure», s’indigne-t-elle.
Le Soleil a communiqué avec d’anciens membres du personnel, ayant demandé de conserver l’anonymat par crainte de représailles. Pour assurer le bien-être des résidents, l’un d’entre eux explique avoir été contraint de réaliser plusieurs tâches hors de son champ de compétence, dont l’organisation d’activités sociales. En juillet, en pleine canicule, la personne a désinfecté avec des collègues la chambre souillée d’un résident souffrant de démence, puis acheté des denrées pour cuisiner les repas. Un second membre souligne la présence de moisissures dans les chambres et parle d’employés sous-payés. Le manque d’aliments de base, dont des fruits frais et du lait, revient également.
Des contenants de mayonnaise laissés sur le balcon d’une chambre souillée que des membres du personnel ont désinfecté au départ d’un résident, faute d’un employé affecté à l’entretien ménager. (Photo : gracieuseté)
À la fin novembre-début décembre, un membre du personnel a bricolé des bonshommes de neige avec les résidents…une tâche hors de son champ de compétence. (Photo : gracieuseté)
Rencontre d’information
Le 16 avril, le CISSS de la Montérégie-Centre a convié les résidents à une rencontre d’information. Le centre de santé autorise l’exploitation de résidences privées pour aînés en Montérégie. Jeannine Tougas a assisté à la rencontre. Elle a été avisée que le centre de santé prenait l’établissement en charge et que les résidents devaient déménager dans le prochain mois. «Ça ne se peut pas, se désole-t-elle. Les habitants étaient tous saisis, bouche bée. On ne savait plus quoi dire.»
Mme Tougas considère la situation difficile. «Ils (le CISSS Montérégie-Centre) laissent aller des personnes âgées à elles-mêmes. Ils nous ont donné un mois de délai pour nous en aller. Ils pourraient nous avoir donné trois mois. Ils nous ont juste avertis de trouver une place», relate-t-elle.
Le CISSS de la Montérégie-Centre n’a pas voulu répondre aux questions du Soleil en lien avec les démarches entreprises. L’agente d’information aux relations avec les médias, Joëlle Jetté, confirme que «la RPA Villa d’Youville de Châteauguay cessera ses activités» et demande de communiquer avec l’établissement, en raison de la confidentialité des informations.
Le 29 avril, la directrice de la Villa d’Youville, Wanda Beckstead, avait peu de temps pour nous accorder une entrevue. «Je suis un peu dans le bordel. Je n’arrête pas de courir depuis ce matin. J’ai un téléphone d’un bord et de l’autre», a-t-elle mentionné. Mme Beckstead a demandé de communiquer à nouveau avec elle le lendemain. Le 30 avril, elle n’avait aucun commentaire à émettre sur la situation.
La date de fermeture de l’établissement, le 14 mai, circule. Mme Beckstead n’a pas voulu confirmer l’information. Le 30 avril, des résidents préparaient leur déménagement.
Le CISSS de la Montérégie-Ouest n’a pas donné suite au courriel du Soleil, à propos de son rôle dans la démarche, soit la relocalisation des résidents.