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Médecin de famille : «Pas la porte d’entrée pour tout»

le mercredi 05 juin 2024
Modifié à 16 h 05 min le 07 juin 2024
Par Guillaume Gervais

ggervais@gravitemedia.com

À l’heure où le système de santé est plus que jamais sous pression et que des bouleversements dans son fonctionnement sont à prévoir, Gravité Média s’est entretenu avec deux médecins de deux générations. D’un côté, la Dre Ariane Courville-Le Bouyonnec, directrice académie du Groupe de médecine familiale (GMF) universitaire Jardins-Roussillon, à Châteauguay, et de l’autre, le Dr Michel Guay, aujourd’hui à la retraite.

Les deux médecins, qui ont travaillé notamment à l’hôpital Anna-Laberge, ont récemment été honorés pour leur carrière respective par la Table locale des médecins de famille de Jardins-Roussillon. La Dre Ariane Courville-Le Bouyonnec a reçu le prix de la relève, «une étoile montante qui est rapidement devenue directrice académique et qui a même raflé des prix à l'échelle nationale au sein du Collège québécois des médecins de famille».

Pour sa part, le Dr Michel Guay a contribué à la naissance et au développement de l’un des plus gros GMF du Roussillon, soit le Carrefour santé Le Saint-Laurent à Sainte-Catherine. Il a gagné le prix J.-Roger-Laberge. Tous deux ont confié s’être tournés vers la médecine familiale pour le contact humain avec les patients.  

Ils ont été réunis dans le cadre d’un long entretien, dont une version vidéo est disponible en ligne au lereflet.qc.ca.

«[La santé], c’est la base de la vie et c’est quelque chose qui nous fait peur quand on est malade, estime la Dre Courville-Le Bouyonnec, 33 ans. Je pense que la demande en ce moment est très grande. Les gens vivent plus vieux et plus longtemps avec plus de médications. Ils s’attendent à recevoir des services auxquels ils ont droit rapidement, mais le système actuel, de la manière qu’il est bâti, ne peut répondre à la demande. S’il y a plus de demandes que ce qu’on est capable d’offrir, il y a des situations terribles qui se produiront dans les urgences.»

Pour le Dr Guay, 59 ans, il y a un devoir d’information à faire auprès de la population, notamment à propos des coûts.

«Depuis au moins les 20 à 30 dernières années, les gouvernements ont toujours fait attention de ne pas dire à la population comment ça peut coûter, soutient le Candiacois. Par exemple, quand tu prends l’ambulance, tu as l’impression que 150$ c’est cher, mais un voyage en ambulance, c’est au moins 2 000$ parce qu’il y a tous les gens derrière, mais les patients ne le réalisent pas.»

La Dre Courville-Le Bouyonnec reconnait qu’il y a de l’éducation à faire auprès de la population, mais estime que tout ne doit pas retomber sur la responsabilité du patient.

«Définitivement, il y a des apprentissages qui ne se transmettent plus, comme les trucs de bases ou l’utilisation des pharmaciens en première ligne pour [guérir] les petites choses rapides, croit-elle. Il y a une partie de ça qui pourrait être apprise, par exemple s’il y avait un cours au secondaire ou si nous avions des outils facilement accessibles pour que les gens se sentent rassurés, peut-être qu’on serait capable de diminuer la demande.»

Agence Santé Québec

La plus récente réforme du système de santé orchestrée par le ministre de la Santé Christian Dubé, notamment avec l’ajout de l’agence Santé Québec, est intéressante, selon les deux intervenants, mais des améliorations devraient y être apportées.

«Dans les bons coups, il y a le fait que ça va sortir du gouvernement, que ce sera indépendant, explique le Dr Guay. Toutefois, je ne pense pas que ce soit une bonne idée pour l’avenir de la médecine au Québec de toujours mettre la faute sur les médecins de famille. Les gens sont convaincus que si on a de la difficulté à avoir accès à notre médecin de famille aujourd’hui, c’est parce que les médecins ne travaillent pas assez.»

Quant à la résidente de Dorval, elle se dit prête à laisser la chance au coureur, mais se désole qu’aucun représentant de la première ligne ne soit sur le conseil d’administration de la nouvelle agence.

«C’est dur de devoir commenter sans avoir vu, nuance-t-elle. [La réalité de la première ligne] est tellement une réalité qui est différente de celle dans les hôpitaux et celle des spécialistes. Un de mes espoirs avec Santé Québec, c’est qu’il y ait des processus pour rapidement régler les problèmes et changer les choses au bénéfice de tous.»

Faire confiance sur le terrain

Bien que les deux médecins n’en soient plus au même stade de leur carrière, ils réclament des changements.

«Mon plus grand souhait dans les prochaines années serait qu’on fasse confiance aux gens qui sont sur le terrain et qu’on leur donne l’espace et la possibilité de travailler de façon à ce que ça fasse du sens pour la communauté», souligne la Dre Courville-Le Bouyonnec.

«J’aimerais que ça puisse aller bien, ajoute le Dr Guay. Toute ma carrière à l’hôpital, je me demandais comment ça se faisait que le directeur ne s’était jamais donné la peine de venir manger avec les médecins une fois par mois. Je crois que les gens qui prennent les décisions aujourd’hui sont bien intentionnés, mais qu’ils ont des impondérables. Ils devraient se renseigner sur la réalité du terrain.»

«Quand je regarde les professionnels de la santé autour de moi, ils ont à cœur le bien-être des patients. Laissez-nous trouver des solutions et les aider, c’est ça qu’on veut.»

-Dre Ariane Courville-Le Bouyonnec