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Vidéo - Neurobiologiste préoccupé par l'impact de la pandémie sur la santé mentale

le mardi 29 juin 2021
Modifié à 15 h 41 min le 08 juillet 2021
Par Michel Thibault

mthibault@gravitemedia.com

Dr Naguib Mechawar (Photo Denis Germain)

ENTREVUE. L’impact de la pandémie sur la santé mentale des gens, particulièrement des jeunes adultes, préoccupe le Dr Naguib Mechawar, neurobiologiste résidant à Châteauguay. 


Avec des collègues scientifiques, il a publié en janvier 2021 un article, Prévenir le suicide pendant la pandémie de la COVID-19, qui fait état des inquiétudes de plusieurs experts.


À l’époque, encore aucune étude ne permettait de conclure à une hausse de suicides et de tentatives de s’enlever la vie, précisaient les experts. Ils redoutaient toutefois les conséquences dans l’avenir et recommandaient de « mettre en place des mécanismes de protection ». Les auteurs faisaient valoir : « Une étude récente révèle que les jeunes adultes qui profitaient d’un niveau élevé de soutien social – sentiment de pouvoir se tourner vers une autre personne en cas de besoin – avaient jusqu’à 40 % moins de risque de penser au suicide ou de faire une tentative de suicide un an plus tard ».


Le soutien social des jeunes dans la vingtaine est particulièrement important car ils vivent une grande période de bouleversements : quitter la maison, poursuivre des études supérieures ou travailler, nouer une relation amoureuse, détaillent des chercheurs dans l’article  Association of social support during adolescence with depression, anxiety, and suicidal ideation in young adults, cité par Dr Mechawar et ses collègues. 

 


Dr Mechawar a accordé au Soleil de Châteauguay une entrevue sur le sujet le 25 juin.

Q  Est-ce qu’on a de nouvelles données en lien avec le suicide et la pandémie ?
R Pour le moment, les indicateurs suggèrent qu’il n’y a pas eu d’augmentation de suicides. Mais on le voit un peu partout, des études montrent que la santé mentale est affectée à travers la population et particulièrement chez les plus jeunes. Mais, étant donné, qu’il y a cette augmentation de problèmes de santé mentale ou moins bonne santé mentale, notamment du côté de l’anxiété, de la dépression et de la prise de substances, il faut faire très attention et garder un œil sur la santé mentale des jeunes, de tout le monde, mais des jeunes en particulier.

Q  C’est particulièrement difficile pour les jeunes ?
R J’ai trois adolescentes. On a pu le voir sur le plan personnel qu’être isolé à une période particulièrement importante de la vie où tous les liens sociaux s’établissent, se développent - ils apprennent à échanger, à vivre en société, ils ont plus de liberté - ça été très, très difficile de passer des journées entières sur Zoom, faire des cours à distance ou être séparés de leurs amis à cause des mesures de santé publique. Donc, ils semblent avoir été davantage affectés que d’autres tranches d’âge. Ça inclut les ados jusqu’aux jeunes adultes.

Q  L’isolement constitue un facteur de risque en santé mentale. Que faut-il faire pour le réduire ?
R Être connectés à distance ça ne suffit pas. Il faut un contact humain. Les mesures de santé publique ont été absolument essentielles pour contrôler la pandémie et réduire le nombre de décès dus à la COVID. Mais c’est important de s’assurer que les gens, les  jeunes en particulier, aient un réseau de soutien. Il faut que les gens sachent qu’ils peuvent se tourner vers quelqu’un pour parler de leurs problèmes. Qu’il y a un réseau d’aide, qu’ils peuvent vraiment compter sur leur entourage, la famille ou les amis, même à distance. Heureusement, on voit que les mesures sont en train de se lever progressivement et on en profite. Évidemment, il y a ce besoin d’aller vers l’autre et de retrouver la famille et les amis. Dans ce contexte-là, il ne faut pas oublier que les réseaux de soutien demeurent primordiaux. On a besoin de l’autre et c’est important pour la santé mentale.


Q  Comment peut-on prendre soin de notre cerveau ?
R On prend soin de notre cerveau comme on prend soin de notre corps en général. C’est-à-dire des bonnes habitudes de vie. De bien dormir, de bien s’alimenter, de faire de l’exercice. Beaucoup d’études montrent que l’exercice est très bénéfique pour le cerveau. Tout ce qui est bon pour la santé en général va être bon pour le cerveau. Aussi de s’en servir, de faire des sudokus, de la lecture. Pas seulement s’asseoir devant la télé et passer la soirée sans vraiment stimuler le cerveau. C’est sûr, il faut relaxer, il faut se reposer de temps en temps mais c’est important de solliciter nos neurones autant que possible.


Q  Profiter de la nature, c’est bon ?
R Être près de la nature aussi c’est bénéfique. Il y a aussi des études qui ont montré ça. Évidemment, quand on est plus proche de la nature on est plus loin de l’agitation urbaine et des stress de la vie de tous les jours. Ça nous permet de déconnecter, d’être un peu plus près de l’essentiel, je dirais. Je n’ai rien contre les villes, j’adore les villes, mais on est des animaux aussi, il ne faut pas se le cacher, et on a besoin de garder un contact avec la nature.


Q  Comment peut-on prendre soin du cerveau des autres ? 
R L’entraide, la gentillesse, l’écoute et de penser aux autres. Je n’invente rien mais d’être attentif aux besoins des autres, de se mettre à leur place, les respecter. De se rappeler aussi qu’on a tendance, pas tout le monde mais on a tendance souvent à rapidement juger les autres mais on ne sait pas par quoi ils passent. On ne connaît rien de leur vie. Donc d’être aimable, tolérant, à l’écoute, je pense qu’on peut difficilement faire mieux.

Qui est-il 
Dr Naguib Mechawar, PhD, est directeur du programme d'études supérieures du département de psychiatrie de l’Université McGill et professeur; directeur de la Banque de cerveaux Douglas-Bell Canada du Centre de recherche Douglas ainsi que chercheur et co-directeur du Réseau québécois sur le suicide, les troubles de l’humeur et les troubles associés – RQSHA.

(Source : Centre de recherche Douglas)

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