Pesticides dans la rivière Châteauguay : présents dans l'eau potable

Une étude a révélé que des pesticides présents dans la rivière Châteauguay se retrouvent dans l’eau potable, malgré son traitement dans le réseau municipal. (Photo : Le Soleil - Archives)
Une étude québécoise publiée récemment dans la revue scientifique Water Research a constaté que les pesticides présents dans l’eau de la rivière Châteauguay le sont également dans l’eau potable après son passage dans une usine de traitement d’eau.
L’équipe de Sébastien Sauvé, chercheur de l’Université de Montréal en chimie environnementale, s’est intéressée à la présence de 46 pesticides et 8 molécules qui proviennent de pesticides qui se retrouvent dans la rivière Châteauguay. Cette dernière est connue puisqu’elle traverse un milieu très agricole avant de se jeter dans le lac Saint-Louis. L’objectif était d’évaluer les variations des pesticides à la source, dans la rivière, et une fois qu’elle a été traitée via le réseau municipal.
Des échantillons ont été pris deux fois par semaine dans une usine de traitement d’eau potable de 2021 à 2023. «Après un traitement conventionnel, aucune réduction significative des concentrations totales de pesticides et de molécules transformées n’a été observée dans l’eau potable», révèle l’étude. Des concentrations maximales ont été observées en juin et en juillet.
Normes peu sévères
M. Sauvé précise que les concentrations de pesticides constatées à l’usine respectaient les normes environnementales québécoises. «Aucun dépassement n’a été mesuré dans l’eau échantillonnée produite par cette usine, mais le deux tiers du temps ça n’aurait pas rencontré les normes européennes pour la somme totale de pesticides dans l’eau», explique-t-il en entrevue. Le chercheur considère que les normes actuelles applicables pour les pesticides ne «sont pas très sévères». «Si les normes étaient plus sévères, notre eau serait plus traitée et de meilleure qualité et les gens auraient plus confiance», mentionne-t-il.
La Municipalité qui a participé à l’étude n’est pas connue. Selon M. Sauvé, cette dernière souhaitait demeurer anonyme. Le maire de Châteauguay, Eric Allard a précisé que l’étude n’a pas été faite à l’usine de Châteauguay.
Est-ce que les citoyens ont raison de s’inquiéter de l’eau qu’ils boivent? «Ce qu’on a mesuré dans la rivière, qui est située dans un milieu agricole, est probablement comparable à d’autres usines sur la même rivière ou à d’autres usines en milieu agricole», expose le spécialiste. Il note que son équipe avait fait une autre étude l’an dernier dans laquelle elle comparait différentes rivières en Montérégie et la rivière Châteauguay «n’était pas la pire».
Eau potable de qualité, dit la Ville
Le maire de Châteauguay Éric Allard a abordé les résultats de cette étude au conseil municipal le 12 mai soulignant que plusieurs citoyens étaient inquiets. La Ville de Châteauguay s’approvisionne en eau potable principalement via deux prises d’eau dans le lac Saint-Louis et une à la jonction de la rivière et du lac Saint-Louis. Elle dessert également plusieurs villes, dont Mercier, Sainte-Martine, Léry et certains secteurs de Saint-Isidore et Saint-Urbain-Premier.
«Je tiens à réaffirmer que l’eau qui circule dans le réseau d’aqueduc de la ville est parfaitement potable. Elle respecte les normes établies par le ministère de l’Environnement du Québec», exprime-t-il soulignant que les derniers résultats d’analyse démontraient une «qualité d’eau supérieure aux normes établies».
Malgré ces résultats, M. Allard a demandé une analyse accrue de l’eau produite à Châteauguay. «Dès maintenant, nos services vont augmenter la fréquence et élargir le spectre d’analyse de l’eau potable, et ce, pour au moins les 12 prochains mois», précise-t-il.
Questionné sur la présence de pesticides dans le fleuve Saint-Laurent, où est situé le lac Saint-Louis, le chercheur a répondu qu’il y avait probablement moins de pesticides dans le fleuve, mais il y a «clairement plus» de PFAS, cette famille de milliers de composés chimiques qu’on retrouve dans de nombreux produits de consommation et qui peuvent avoir des effets sur la santé. «C’est un peu changer quatre 25 sous pour un dollar», illustre M. Sauvé.
Comment améliorer sa qualité de l’eau ?
Les citoyens qui souhaitent réduire la quantité de pesticides dans l’eau qu’ils consomment peuvent utiliser des pichets d’eau filtrants, selon le spécialiste. Il précise tout de même qu’il faut s’informer puisque ce ne sont pas tous les pichets qui filtrent les pesticides ou les PFAS. La marque connue Brita par exemple, ne les filtre pas.
Il est également possible d’installer un système de nanofiltration ou d’osmose inversée sur son robinet de cuisine. L’investissement est plus important, mais efficace selon lui.
M. Sauvé déconseille fortement l’utilisation d’eau embouteillée puisque celle-ci a un coût environnemental très important.
L'organisme OBV Scabric recevra Sébastien Sauvé pour une conférence gratuite sur les pesticides dans la rivière Châteauguay et dans l'eau potable le 29 mai à Sainte-Martine au parc Paul Léveillé, 58, rue Saint-Joseph à 18 h 45.