Tribune libre
Opinion
Rien d'historique pour les lagunes de Mercier
le samedi 24 mars 2018
Modifié à 20 h 49 min le 24 mars 2018
Dans le dossier des anciennes lagunes de Mercier, le gouvernement du Québec vient d'annoncer la construction d'une nouvelle usine de confinement des contaminants qui n'entrera en opération qu'en 2025 (!).
Or, cela fait plus de 20 ans que les environnementalistes dénoncent l'inefficacité de l'ancienne usine de pompage construite en 1984 et qui continue de rejeter des eaux souterraines polluées dans les rivières de l'Esturgeon et Châteauguay.
Cette annonce a été qualifiée d'historique par la mairesse de Mercier. Nous aurions aimé que ce soit le cas, mais malheureusement, le dossier revient tout simplement au point où il se trouvait il y a 11 ans, et accuse même un sévère recul qui lui, est historique, comme on peut le constater en relisant les déclarations faites à l'époque par l'ancienne ministre de l'Environnement du Québec, Line Beauchamp.
En 2007, la ministre Beauchamp enjoignait la compagnie propriétaire du site, Clean Harbors, de mettre en place, à ses propres frais, un nouveau système de confinement des sources de contamination des eaux souterraines. À défaut d'obtenir la collaboration de la compagnie, le gouvernement du Québec s'engageait à procéder lui-même à la mise en place de nouvelles installations, et à récupérer les coûts encourus auprès de Clean Harbors. Rien de tout cela n'a jamais été fait et aujourd'hui, les autorités politiques annoncent un projet de 25 millions de dollars dont la facture sera assumée entièrement par les contribuables plutôt que par la compagnie. De toute évidence, l'ancienne ministre de l'Environnement avait plus de cran et de détermination puisqu'elle s'engageait d'un même souffle à reprendre les procédures judiciaires contre Clean Harbors, sur la base du principe «pollueur-payeur».
Un centre de recherche promis depuis longtemps
La population se fait promettre depuis longtemps un centre de recherche pour la décontamination des anciennes lagunes. Pas moins de trois projets ont été annoncés au fil des décennies, dont le dernier en 2007. Finalement, il faudra se contenter d'un «réseau virtuel de chercheurs spécialisés dans le domaine qui permettra entre autres de soutenir des activités d'enseignement et de recherches collégiales et universitaires». Pour ce qui est du budget et des moyens qui seront accordés à la recherche, nous n'en savons strictement rien.
Plus de questions que de réponses
En fait, la conférence de presse qui a eu lieu en grande pompe à Mercier le 19 mars dernier, à sept mois des prochaines élections provinciales, soulève plus de questions qu'elle n'apporte de réponses. Le député de Châteauguay, Pierre Moreau, pourrait-il nous donner plus de détails sur le projet d'entente qui aurait permis à la compagnie Clean Harbors de régler le litige à rabais, sur le dos des municipalités et des citoyens? Où en sont les poursuites judiciaires contre la compagnie que la mairesse de Mercier se meurt d'abandonner? Pourquoi les municipalités de Sainte-Martine, Saint-Isidore et Saint-Urbain – qui ont toujours été parties prenantes au dossier, et avec raison – ont-elles été écartées tout à coup par le gouvernement du Québec?
Nous avons la désagréable impression que le gouvernement tente de nous faire prendre des vessies pour des lanternes, et nous nous interrogeons sur le peu de considération que certains élus liés au dossier semblent avoir pour l'intelligence de leurs commettants.
En conclusion, il est toujours éclairant de revenir sur le rapport du Bureau d'audiences publiques sur l'environnement (BAPE) déposé en 1994, à la suite des audiences tenues à Mercier. De nombreuses actions avaient alors été recommandées, notamment en ce qui concerne la réhabilitation du site, mais elles n'ont jamais été mises de l'avant, hélas! L'une des préoccupations des commissaires était que les municipalités et leurs populations soient enfin dédommagées pour toutes les conséquences que cette catastrophe écologique – la plus grave de l'histoire du Québec – ont entraînées pour elles. Nous attendons toujours...
Michel Beaupré et Michel Préville de la Coalition Décontamination-Mercier