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Avoir sa place au travail

le mercredi 16 novembre 2022
Modifié à 10 h 15 min le 18 novembre 2022
Par Paula Dayan-Perez

pdayan-perez@gravitemedia.com

Stéphanie Boucher apprécie l’autonomie qui lui apporte un milieu de travail adapté. (Photo : Le Soleil - Denis Germain)

Myriam Cyr adore son travail. La femme de 24 ans, qui a une déficience intellectuelle, offre une aide générale au CPE La Maison des bambins à La Prairie depuis septembre 2021. Plusieurs personnes en situation de handicap sont capables et désireuses de travailler, mais sont souvent oubliées par les employeurs, soutient un organisme qui défend leurs droits.

Au début, Mme Cyr voulait surtout faire de l’argent, faire comme tout le monde, gagner sa vie, explique son père, Eric Cyr. Elle s’est donc inscrite auprès de l’organisme SDEM SEMO Montérégie, qui offre des services d’intégration et de maintien de l’emploi pour les personnes handicapées. Elle a commencé à la garderie en tant que stagiaire puis est devenue salariée en février 2022.

Son aspect préféré du travail? «L’équipe!» lance Mme Cyr avec conviction.

Cet emploi lui permet de développer d'autres compétences. 

«Elle est capable de se rendre elle-même au travail, donc elle développe son autonomie en même temps : gérer les horaires d’autobus, les temps d’attente», indique M. Cyr.

Myriam Cyr s’occupe principalement de la désinfection dans une garderie de La Prairie. Parfois elle aide les éducatrices avec l’habillement des enfants et le lavage des mains. (Photo : Le Soleil - Guillaume Gervais)

Ses collègues semblent tout autant ravis de la côtoyer au quotidien. Brigitte Lauzon, directrice adjointe à la pédagogie à La Maison des bambins, souligne que maintenant que le personnel et les enfants ont appris à la connaître, ils ne peuvent s’en passer.

«On a vraiment rencontré une belle personne, exprime-t-elle. Puis même au niveau des enfants, qui voyaient son handicap au début, maintenant, ils ne le voient plus. On est avec elle, c’est plaisant.»

Le CPE n’a pas été obligé de faire d’importantes adaptations pour accueillir la jeune femme, affirme Mme Lauzon. Parfois, l’équipe l’a aidée à développer des trucs pour exécuter des tâches plus rapidement. Un horaire bien établi a été affiché pour qu’elle puisse le suivre au cours de la journée.

Une solution au manque de main-d’œuvre?

Selon Nancy Côté, directrice générale de l’Association des personnes handicapées de la Rive-Sud Ouest (APHRSO), les employeurs ne sont pas toujours au courant des ressources disponibles pour ceux qui embauchent des personnes ayant des handicaps. Le résultat, dit-elle, c’est qu’une partie de la population qui pourrait contribuer à réduire le manque de main-d’œuvre est souvent oubliée.

«Il y en a parmi eux qui ont des diplômes universitaires, collégiaux et autres. Il y a des gens qui sont bourrés de talent et qui ont des formations et autres, et on ne pense pas systématiquement à eux. Ils font partie de la solution», fait-elle valoir.

Des services d’accompagnement aux employeurs et d’aide à l’embauche de personnes handicapées sont disponibles, de même que des programmes gouvernementaux offrant des subventions pour payer leur salaire. Elle assure toutefois que la grande majorité des employés qui ont un handicap n’a pas besoin de programme d’aide au niveau du salaire.

Un chemin sinueux

Trouver un milieu de travail adapté à ses besoins peut tout de même représenter un défi, a constaté Stéphanie Boucher, qui vit avec la paraparésie statique, une maladie dégénérative qui lui a graduellement enlevé l'usage de ses jambes. La résidente de Saint-Isidore a commencé à utiliser un fauteuil roulant en 2016, plus de 20 ans après son diagnostic.

Quand Stéphanie Boucher a commencé à utiliser le fauteuil roulant, elle a découvert que plusieurs entreprises n’étaient pas adaptées. (Photo : Le Soleil - Denis Germain)

Celle qui travaillait dans le domaine de l’ébénisterie s’est alors rendu compte que plusieurs entreprises n’étaient pas adaptées au fauteuil roulant. Elle avait trouvé des employeurs qui lui permettaient de faire du télétravail, mais lorsque la pandémie est arrivée, le nombre de contrats de travail a diminué. Elle a commencé à se remettre en question.

«Est-ce que j’essaie de me retrouver un emploi dans le domaine du dessin en sachant très bien que parfois l’accessibilité au bâtiment peut être difficile ou je me réoriente? Finalement, j’ai décidé de me réorienter», raconte-t-elle.

La dame a complété un Diplôme d'études professionnelles en secrétariat. Aujourd’hui, elle travaille en tant qu’agente de bureau pour la Régie du bâtiment du Québec à Montréal, dont l’immeuble est complètement adapté à ses besoins, assure-t-elle. Même les fours à micro-ondes dans la cafétéria sont placés à une hauteur accessible, contrairement à d’autres milieux de travail où des collègues devaient l’aider à chauffer son plat.

«C’est le fun d’avoir une autonomie sans toujours avoir à demander l’aide de quelqu’un, même si les gens disent, ‘pas de problème’. Je comprends, mais avoir cette autonomie-là est très valorisant», explique Mme Boucher.

L’intégration sociale

Sébastien Coulombe, intervenant de l’organisme Mouvement Action Découverte, qui organise des activités encadrées pour des personnes ayant une déficience intellectuelle, voit que l’emploi aide leurs membres à être actifs dans la société et leur permet de briser l’isolement.

«C’est un peu comme nous quand on était en confinement. Quand on est sortis, ça a fait du bien, explique-t-il. C’est la même chose pour eux tous les jours parce qu’autrement, ils n’ont pas beaucoup de contacts.»

Jean-François Duval (à gauche), Connie Gooding (au centre) et Pascal Duchesne (à droite) participent à un programme d’insertion sociale à l’emploi. Ils aiment tous les trois leur travail. (Photo : Le Soleil - Paula Dayan-Perez)

C’est le cas du Martinois Pascal Duchesne, qui participe à un programme d'insertion sociale depuis maintenant huit ans. Dans le cadre du projet, M. Duchesne, qui a une déficience intellectuelle, travaille à la Boucherie aux portes de la nature à Mercier. Il emballe la viande et fait le ménage.

«Je suis fier de mon travail parce que tout le monde m’apprécie et me fait confiance. Dans toutes les démarches que je fais, ils me disent ‘bravo, félicitations’», exprime-t-il.

Il assure que son travail a changé sa vie.

«Maintenant je suis capable de contrôler ce que je n’étais pas capable de contrôler, comme l’agressivité, puis la concentration et le manque de ressources que j’avais.»