chronique

Veux-tu une claque ?

le vendredi 14 février 2020
Modifié à 16 h 26 min le 14 février 2020
Par Michel Thibault

mthibault@gravitemedia.com

À l’épicerie, l’autre jour, j’ai croisé un homme qui poussait un panier occupé par un petit garçon. Possiblement qu’il s’agissait d’un père et son fils. Je n’en mettrais pas ma main au barbecue, cependant, car toutes sortes de liens peuvent exister entre un adulte et un enfant. Il pouvait s’agir de quelqu’un qui gardait le fils des voisins. Si c’était le cas, c’était un excellent choix de nounou. L’homme, dans la vingtaine, mouvait le panier d’épicerie en imitant le bruit d’un camion avec sa bouche. Le gamin riait, riait. L’homme en rajoutait avec bonne humeur. Cette manifestation de bonheur faisait chaud au cœur. Avec une personne enjouée, c’est sûr que l’enfant se sentait bien, en sécurité. Bien sûr, il s’agit d’un mince fragment de vie qui ne permet pas de juger l’ensemble de l’oeuvre. Par contre, à l’épicerie, un enfant est exposé à mille tentations. Il peut vite être contrarié si un obstacle se dresse entre sa main et une boite de céréales sucrées. Une imitation de bacon reposant sur un poêlon chauffé à feu vif est toujours possible. Un enfant et un adulte qui s’amusent en faisant l’épicerie, c’est bon signe. Et ce n’était pas le cas dans la section des aliments pour animaux. J’ai croisé-là, quelques instants plus tard, un autre homme avec un garçon qui ne devait pas avoir plus de cinq ans. L’enfant tenait un sachet de nourriture pour chats dans ses petits doigts. «On n’achète pas ça. C’est même pas notre chat !» a dit l’homme au gamin sur un ton très sec. Il lui a enlevé le sachet des mains. «Veux-tu une claque ?» il a lancé. Le bambin était figé. Il n’a pas pleuré ni rien. L’idée de demander à l’homme si lui était preneur m’a traversé l’esprit. Mais, en vrai, j’aurais plutôt envie de lui dire ceci. Le garçon faisait un beau geste. Il se souciait d’un être vivant. Il voulait lui donner de la nourriture. Et comme le dit toujours ma charmante épouse, de la nourriture, c’est de l’amour. Alors voilà un enfant qui a une conscience de l’autre, qui veut poser un geste d’amour, et qui reçoit en retour de l’agressivité. Probablement de l’une des personnes qui compte le plus pour lui, qui l’aide à forger son identité et sa confiance en soi : son père. Je ne dis pas qu’il aurait dû acheter la nourriture. Je n’ai pas assez d’argent pour ça mais tu es très gentil de penser au chat, aurait constitué une réponse convenable. En ce jour de la fête de l’amour, c’est ce que je vous souhaite : de prendre le temps de parler avec la bouche du cœur.