Politique

Le travail d’avocat du maire dans l’affaire Gendron fait des vagues

le vendredi 16 février 2018
Modifié à 16 h 07 min le 16 février 2018
Par Patricia Blackburn

pblackburn@gravitemedia.com

Le maire de Châteauguay Pierre-Paul Routhier ne voit «aucun problème» à continuer de s’impliquer en tant qu’avocat dans la cause du conseiller municipal Mike Gendron contre la Ville qu’il dirige. Des avocats y voient toutefois un conflit d’intérêt. Le dossier de M. Gendron était déjà entre les mains de M. Routhier avant qu’il ne soit élu à la tête de la Ville de Châteauguay en novembre 2017. Cette situation particulière, que le Soleil de Châteauguay avait déjà traitée pendant la campagne électorale, a fait grand bruit dans les médias au cours des derniers jours. Dans un entretien accordé au Journal le 6 février, M. Routhier avait répété qu’il ne voyait pas de problème à continuer de défendre cette cause. «C’est tout à fait approprié» avait-il exprimé en expliquant que la Ville n’était plus «directement impliquée». «Nous (M. Routhier en tant qu’avocat et son client Mike Gendron) avons décidé de porter la cause en appel parce que nous jugeons que l’article de loi qui est concerné dans le jugement est sujet à différentes interprétations. Notre but est de faire réécrire cet article afin de le rendre plus clair, fait-il valoir. C’est une question de droit très importante qui doit se concrétiser», soutenait-il.
Je ne me sens pas mal à l’aise par rapport à ça - Pierre-Paul Routhier.
Dossiers transférés Dans un communiqué daté du 14 février, le parti politique du maire, Vision Châteauguay-Équipe Routhier, précise que les dossiers qui étaient entre les mains de Me Routhier avant son élection «ont été transférés à une autre avocate» du cabinet Routhier Goulet, avocats inc. «L’avocate a toutefois accepté de reprendre les dossiers à conditions que Me Routhier agisse à titre de "conseil" lors des présentations des deux causes particulières devant la Cour, soit la cause de monsieur Gendron et de monsieur Pépin», précise le communiqué. Il y est également spécifié que M. Routhier « ne facturerait aucuns honoraires pour les services qu’il rendra dans l’affaire Gendron». Dans ce dossier, les frais d’avocat de M. Gendron sont remboursés par la Ville de Châteauguay. Il y a conflit d’intérêt, selon des avocats Un avocat interrogé par Droit-inc, dans un article publié le 15 février, estime qu’il y a conflit d’intérêt dans cette situation.  «J'ai de la difficulté à voir comment il peut négocier le dossier avec son contentieux en étant maire, alors qu'il plaide contre son administration. Je pense qu'il y a là un conflit d'intérêts flagrant. Il est dans les deux souliers en même temps », indique à Droit-inc Rino Souci, associé chez Dufresne Hébert Comeau et co-auteur d’un document sur l’éthique et la déontologie des élus fonctionnaires municipaux. Interrogé dans le cadre du même article, un avocat à la retraite, François D. Samson, estime pour sa part que le maire pourrait se retrouver dans une situation «intenable» : « Un avocat doit obtenir le meilleur pour son client, tandis qu'un maire doit obtenir le meilleur pour sa municipalité. Déjà ici, ça pose la question de quel côté l'avocat va se positionner», explique-t-il au média d’information spécialisé en droit. À lire également : Le maire de Châteauguay avocat de l’ex-maire Pepin contre Saint-Constant La cause Gendron Le dossier remonte à 2013 , alors que la Ville de Châteauguay a déposé une plainte à la Commission municipale du Québec envers le conseiller Mike Gendron, à qui elle reprochait d’avoir fourni une déclaration d’intérêts pécuniaires incomplète. Le conseil de Ville était alors composé de Nathalie Simon au poste de mairesse, et de cinq membres de son équipe, Action Citoyenne, à des postes de conseillers. Trois autres conseillers, dont Mike Gendron, siégeait à titre d’indépendants. Cette plainte avait été déposée peu avant les élections de novembre 2013, au terme desquelles le conseiller Gendron a été réélu. [caption id="attachment_38211" align="alignleft" width="320"] Le conseiller Mike Gendron. (Crédit : Le Soleil de Châteauguay- Andrew Clark)[/caption] En octobre 2014, la plainte a été rejetée par la Commission municipale, celle-ci statuant que le dossier relevait plutôt de la Cour supérieure du Québec. La Ville s’est donc tournée vers ce tribunal en intentant une requête en destitution contre Mike Gendron, alléguant qu’il avait enfreint une règle de la Loi sur les élections et les référendums dans les municipalités en omettant de mentionner certaines informations à sa déclaration d’intérêts pécuniaires. Dans une décision rendue le 9 juin 2016, le juge Mark G. Peacock de la Cour supérieure du Québec a donné en partie raison à la Ville de Châteauguay en déterminant que le conseiller Gendron devait déclarer les parts que détient sa société d’investissement, Gestion Mike Gendron Inc., dans deux immeubles situés sur le territoire de la municipalité. Ce que le conseiller avait omis de faire. La Loi sur les élections et les référendums dans les municipalités impose aux conseillers municipaux et aux maires de faire ces déclarations par souci de transparence et pour éviter des situations de conflit d’intérêts. Dans son jugement, le juge Peacock a toutefois épargné au conseiller Gendron la destitution de cinq ans prévue à la loi en concluant que ce dernier ne savait pas que ses déclarations étaient incomplètes, puisqu’il s’était fié aux conseils de ses avocats pour les remplir. Gendron et son avocat, Pierre-Paul Routhier, ont peu après fait appel de la décision. C’est le jugement relatif à cet appel qui sera prochainement entendu et auquel M. Routhier compte assister.