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Blocus des rails à Kahnawake : des mauvais souvenirs ravivés

le mardi 03 mars 2020
Modifié à 13 h 44 min le 03 mars 2020
Par Valérie Lessard

vlessard@gravitemedia.com

Les différents événements reliés au blocus ferroviaire à Kahnawake dans la dernière semaine ont ravivé de mauvais souvenirs de la crise d’Oka et du blocus du pont Mercier en 1990. À lire aussi: Des propos controversés de Legault sur la présence d'armes à Kahnawake  Manifestation terminée au pont Mercier Le premier ministre du Québec François Legault a affirmé lors d’une mêlée de presse le mercredi 26 février que la Sûreté du Québec ne faisait pas appliquer l’injonction pour le démantèlement de la barricade à Kahnawake en raison de la présence «d’armes dangereuses» dont des AK-47. Cette information a été démentie et dénoncée par la nation mohawk, le conseil de bande et les Peacekeepers de Kahnawake. Ils ont tous qualifié les propos du premier ministre de «dangereux et de provocateurs». Au lendemain de cette affirmation, l’adjoint parlementaire de la ministre de la Sécurité publique Ian Lafrenière a voulu «préciser les faits» en soutenant que M. Legault ne ciblait pas les gens présents à la barricade, mais plutôt «que des personnes plus radicales avaient accès à des armes à feu» sur le territoire autochtone. Kaniehtiio Horn, de Kahnawake, a dénoncé les paroles de M. Legault sur les médias sociaux. « Je suis l’une des nombreuses survivantes de la crise d’Oka en 1990. En répandant des fausses informations, M. Legault pourrait démanteler tout le travail qui a été fait ces 30 dernières années pour réparer nos relations avec les communautés voisines. Nous n’avons pas d’armes», a affirmé l’actrice autochtone. L’Assemblée des Premières nations du Québec et du Labrador (APNQL) abonde aussi dans ce sens. «Encore une fois, les leçons d’Oka n’ont pas été retenues par les autres gouvernements. Faire croire que les membres de la nation Mohawk soient armés nous fait reculer, entretient la peur et alimente le sentiment anti-Premières Nations» a réagi l’APNQL. Pont Mercier Plus tôt dans la semaine, le 24 février, des manifestants ont ralenti le trafic vers le pont Mercier sur les routes 132 et 138 pour s’y immobiliser quelques minutes. Cette manifestation a suivi le démantèlement de la barricade des Mohawks de la communauté de Tyendinaga aux abords de voies ferrées en Ontario.  Le geste a créé un vent de panique dans la communauté mohawk. Les élèves des écoles de Kahnawake ainsi que les 145 élèves mohawks qui fréquentent des écoles à Châteauguay ont été renvoyés à la maison. «On a sorti nos enfants des écoles parce qu’on ne savait pas ce qui allait se passer et ça a créé une forme de panique dans la communauté, a raconté la chef du conseil de bande Ietsénhaienhs Kahsennenhawe Sky-Deer en conférence de presse. Les gens revivent certains souvenirs de 1990 et ce n’est pas quelque chose qu’on a envie d’expérimenter à nouveau.» Le conseil de bande a tenu une rencontre d’urgence avec la communauté le soir de la manifestation au pont Mercier. Le grand chef Joe Norton avait fait un appel au calme. Plusieurs membres de la communauté ont exprimé des craintes d’être victimes de racisme comme ça été le cas en 1990. La Châteauguoise Chandra Labelle, autochtone algonquine maman de deux préados, a partagé ce sentiment. Depuis, elle surveille quotidiennement ce qui se passe à Kahnawake pour voir si elle envoie ses enfants ou non à l’école. Elle a peur qu’ils soient victimes de commentaires racistes. «J’ai des craintes de ceux qui ont des préconceptions de la cause autochtone par manque de connaissance», explique-t-elle. La Châteauguoise était adolescente à l’époque de la crise d’Oka. Elle dit comprendre aujourd’hui pourquoi sa mère voulait toujours savoir où elle était lors de ce fameux été de 1990. La barricade près des rails à Kahnawake a été érigée le 8 février en guise de solidarité au peuple Wet’suwet’en en Colombie-Britannique qui s’oppose à un projet de gazoduc qui traverserait son territoire. Le CP a obtenu une injonction le 25 février pour démanteler le blocus. Celui-ci était toujours en place au moment d’écrire ces lignes.