Tribune libre
Opinion

Le plus imbécile

le mardi 15 septembre 2015
Modifié à 0 h 00 min le 15 septembre 2015
Par Michel Thibault

mthibault@gravitemedia.com

«Regarde mon tata icitte, regarde-lé le Français, yé dans rue pi icitte y'a une piste cyclable !»

Ces paroles sortent de la bouche d'un conducteur qui les a prononcées en filmant un cycliste roulant devant lui alors qu'il existe une bande cyclable de l'autre côté de la rue.

La vidéo a été partagée sur le compte Facebook «Sauf une fois au chalet» du Doc Mailloux avec ce commentaire : «lol chars vs bicycles... c'est une guerre sans fin au Québec. La question est la suivante : qui est le plus imbécile des deux? Celui qui roule pas sur sa piste cyclable en vélo ou celui qui filme avec son cell en chauffant son truck?»

Le plus imbécile, ce n'est ni le cycliste ni le conducteur enragé. C'est d'aménager une bande cyclable bidirectionnelle d'un seul côté de la rue.

Cette formule n'est pas du tout sécuritaire. Monsieur VUS devrait réaliser que cette façon de faire lui complique la vie en cas de virage à gauche. Le cas échéant, il doit regarder le trafic devant, mais aussi jeter un oeil en arrière sur la bande cyclable au cas où un vélo ayant la priorité s'en viendrait. Sortir des entrées de maisons et de commerces représente aussi un danger accru quand des bicyclettes filent tout près dans les deux directions.

La dangerosité de ces bandes cyclables d'un seul côté de la rue est un fait reconnu par les autorités. «Ces voies cyclables bidirectionnelles sont déconseillées par toutes les sources consultées (Vélo Québec, 2003; C.R.O.W., 2007; Clarke et Tracy, 1995; American Association of State Highway and Transportation Officials (AASHTO), 1999; Landis, Vattikuti et Brannick, 1997)», indique l'Institut national de santé publique du Québec dans le document «Les aménagements cyclables : un cadre pour l'analyse intégrée des facteurs de sécurité» publié en 2008. Sources à l'appui, l'Institut souligne que «circuler sur ce type de voie cyclable augmente les risques de blessures de trois à douze fois, particulièrement aux intersections». Et, en plus, les vélos à sens inverse de la circulation automobile contreviennent au Code de la sécurité routière, précise l'INSPQ.

Le type d'aménagement en question est tellement peu brillant que le ministère des Transports du Québec l'a rayé de son vocabulaire.

Cela n'a pas fait disparaitre les centaines de kilomètres de bandes cyclables impropres à la circulation déjà existantes dans le décor. Pour favoriser la paix entre usagers, ça prend des pistes cyclables de part et d'autre des rues qui font circuler les vélos dans le même sens que le trafic automobile.