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VIDÉOS - La diaspora ukrainienne de la région se mobilise

le mardi 01 mars 2022
Modifié à 15 h 34 min le 02 mars 2022
Par Paula Dayan-Perez

pdayan-perez@gravitemedia.com

Même si leurs nations s’opposent, ces amies d’origine ukrainienne, russe et biélorusse ont montré un front uni face à la peur. (Photo : Le Soleil - Paula Dayan-Perez)

Alors que le monde a les yeux rivés sur les images de destruction en Ukraine, les membres de la diaspora ukrainienne et russe de la région ressentent la guerre de près malgré les milliers de kilomètres qui les séparent de leur pays d’origine. Le Soleil de Châteauguay est allé à l’écoute de leurs histoires.

Drapeau ukrainien sur le dos, les yeux mouillés, la voix forte. Quatre femmes de la région de Châteauguay et Mercier se sont rendues devant l’ambassade russe à Montréal le samedi 26 février pour manifester leur opposition à la guerre en Ukraine. Même si leurs nations s’opposent, ces amies d’origine ukrainienne, russe et biélorusse ont montré un front uni face à la peur.

«On veut montrer qu’on est nombreux, a exprimé Olga Payuk, une Châteauguoise originaire de l’Ouman, au centre de l’Ukraine. On veut que tout le monde comprenne que l’agression de la Russie, de Vladimir Poutine, est inacceptable».

En entrevue avec le journal la veille de la manifestation, elle a expliqué à quel point le sommeil lui échappait. Le 24 février, le président russe a amorcé une invasion en Ukraine. Depuis, la famille de Mme Payuk doit se cacher des bombes dans le sous-sol de leur maison. Ses parents resteront en Ukraine pour accompagner sa grand-mère de 87 ans qui ne peut pas voyager. Sa sœur enceinte aussi.

«Je ne peux ni manger ni penser à autre chose, indique celle qui travaille à l’école primaire Gérin-Lajoie à Châteauguay. Je me sens dévastée, des fois, impuissante. Parce que oui, je suis ici, mes enfants sont ici, mon mari est ici, mais mes parents, tous mes proches, tous mes amis, maintenant sont en danger.»

 

Du support moral

La Merciéroise Janna Lesnic, native d’Ivano-Frankivsk, à l’ouest de l’Ukraine, a également participé à la manifestation samedi. Elle est très anxieuse, car des membres de sa famille et des amis d’enfance demeurent en Ukraine.

«J’étais vraiment choquée par tout ce qui se passe, exprime-t-elle. Mais quand je parle [à mes proches], je comprends qu’il faut qu’on reste forts ici, qu’on doit faire tout ce qu’on peut ici pour les supporter.»

Elle dit grandement apprécier les messages de soutien de ses collègues chez Postes Canada et les amis qui publient le drapeau ukrainien sur leur profil Facebook. «Ça nous touche beaucoup les gestes des Canadiens, mentionne-t-elle. On apprécie que le monde ne soit pas indifférent à notre douleur.»

 

Une Russe au cœur brisé

Leur amie Lilya Semenova, native de Tambov en Russie et résidente de Châteauguay, a accompagné les dames à la manifestation.

«Je voulais les supporter, les voir, relate-t-elle. On s’est parlé, on a pleuré. Olga m’a parlé de sa famille qui doit rester à la maison.»

Même si Mme Semenova qualifie cette situation d’une «folie absolue», elle dit avoir l’impression que le président russe «a préparé cette guerre.»

«Ce qu’on a vu ce dernier temps, même en vivant en Russie, c’est que Poutine a méthodiquement étouffé les libertés démocratiques, les médias démocratiques, affirme-t-elle. Ce n’est pas notre guerre, c’est la guerre de Poutine, c’est sûr. Parce qu’il n’y a pas de média libre, rien. Les Russes ne peuvent pas influencer Poutine.»

Lilya Semenova, Châteauguoise d’origine russe, à droite, réconforte son amie ukrainienne Olga Payuk, à gauche, lors de la manifestation du 26 février à Montréal. (Photo : Le Soleil - Paula Dayan-Perez)

Quand le pire arrive

La Châteauguoise d’origine ukrainienne Anna Dabizha témoigne également des fausses informations partagées dans les médias russes. Ses parents, qui vivent au Québec aussi, écoutent les actualités d’Ukraine et de Russie pour avoir la plus grande quantité d'informations possible.

«Dans les nouvelles russes, on dit qu’on ne frappe pas les quartiers résidentiels, mais ce n’est pas vrai», indique Mme Dabizha. Son grand-père Piotr a été tué la nuit de vendredi à samedi à Marioupol, leur ville natale.

«Ils ont frappé une école avec un missile, puis l’éclat l’a tué malheureusement dans son appartement», relate-t-elle.

La résidence est complètement détruite. Sa grand-mère a été évacuée de la ville, mais la famille ne peut pas la sortir du pays car elle est trop loin des frontières européennes, ajoute Mme Dabizha.

Anna Dabizha est résidente de Châteauguay. (Photo : Gracieuseté)

Un Châteauguois en Roumanie

De son côté, Oleg Koleboshyn, un Châteauguois né à Odessa, en Ukraine, voulait s’impliquer. Le 25 février, il est parti vers la Roumanie pour accueillir sa belle-mère à la frontière, accompagnée par un ami d’enfance.

«C’est difficile, dit-il. Ça fait trois nuits que je dors peu ou pas du tout. J’ai beaucoup de craintes aussi parce que les nouvelles changent beaucoup, se chamboulent un peu. J’ai appris que mon frère qui voulait passer la frontière a été retourné, donc il n’a pas pu passer.»

Son autre frère, qui est député au parlement, restera en Ukraine pour continuer le travail, dit-il. Ses parents aussi ont décidé d’y rester.

Les retrouvailles d’Oleg Koleboshyn (à gauche), sa belle-mère (à droite) et des amis en Roumanie. (Photo : Gracieuseté)

M. Koleboshyn demeura près de la frontière encore un certain temps pour aider les Ukrainiens qui veulent demander le statut de réfugié au Canada. Il les accompagnera à l’ambassade canadienne.

Il se dit très reconnaissant des nombreux Québécois qui lui ont écrit à la suite de son passage par la radio 98,5 FM et TVA Nouvelles voulant offrir leur parrainage à des réfugiés ukrainiens. Certains ont même proposé de payer leur billet d’avion.

Ses propres collègues de travail ont amassé 5 000 $ en une journée pour l’aider dans sa mission.

Diaspora à Châteauguay 

Russie : 270 personnes, soit 3,6 % de la population immigrante
Ukraine : 225 personnes, soit 3 % de la population immigrante

La population totale de Châteauguay était de 47 906 en 2016.

(Source : Recensement 2016, Immigration selon le lieu de naissance)