chronique

Admiration et inquiétude pour les médias

le lundi 20 novembre 2017
Modifié à 16 h 45 min le 20 novembre 2017
Par Michel Thibault

mthibault@gravitemedia.com

J’ai assisté samedi à Sherbrooke à la remise des prix Antoine-Désilets et Judith-Jasmin de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec avec un intérêt particulier pour la catégorie «Grand reportage». J’ai eu le privilège de faire partie du pré-jury de ce volet du concours. À ce titre, j’ai lu, visionné et évalué, en octobre, une cinquantaine de reportages diffusés à la télévision, à la radio, dans des magazines, sur internet, dans du papier et sur une tablette. Toutes les candidatures étaient très intéressantes. Pendant une dizaine de jours, j’ai pris pleinement conscience de la grande qualité du journalisme pratiqué au Québec. Le travail des médias éclaire et décortique des réalités impossibles à appréhender sans eux. Il dévoile les forces à l’œuvre dans nos sociétés, pas toujours réjouissantes. Il contribue à changer le monde. Le défilement des lauréats au gala de la FPJQ m’a empli d’admiration mais aussi d’inquiétude. Car cette noble mission d’informer est menacée. Historiquement, les médias de masse ont vécu principalement des publicités des marchands. La progression d’internet a bouleversé ce modèle de commensalisme, qui ne tient plus la route du succès. Les commerçants annoncent beaucoup moins dans la presse. Un, parce qu’ils disparaissent, broyés par les géants d’internet. Deux, parce qu'ils misent sur ces géants. À ce stade-ci, franchement, je vous le demande, peut-on appuyer un pilier de la démocratie sur un commerce de détail lui même chancelant ? Je ne crois pas. Sur quoi alors ? Habitué à la gratuité, le citoyen ne déliera pas les cordons de son petit cochon pour lire les actualités, à mon avis. Les politiciens ? J’écris ces lignes avec une manchette de La Presse sous les yeux. «Dans l’espoir de freiner le déclin de la presse écrite, la Fédération nationale des communications (FNC-CSN) réclame des mesures urgentes de la part du premier ministre Justin Trudeau», y lit-on. Une pétition est lancée. Ça m’étonnerait que cette offensive porte ses pommes. Les politiciens, en général, se montrent peu enclins à soutenir les médias. La tendance est plutôt inverse. Pensons par exemple à cette demande de nombreux élus municipaux d’éliminer l’obligation pour les villes de publier leurs avis publics dans un journal couvrant leur territoire. Je vais prêcher pour ma paroisse mais pas sûr que c’est une bonne chose pour les citoyens. Malgré tout, le gouvernement provincial a acquiescé à la demande. Au début des années 2000, le gouvernement a mis les journaux dans le même bateau que les cartons de lait en imposant à leurs propriétaires une taxe sur le recyclage. Pas une grande marque d’affection non plus. Reste un espoir. Les bons Samaritains en moyens. Aux États-Unis, que n’épargne pas le déclin des médias, des philanthropes milliardaires volent au secours de la presse, nous apprend le –trente-, magazine de la FPJQ. Par exemple, les dons de charité représentent 6 % des revenus du New-York Times. Y a-t-il des descendants des Médicis dans la salle ? ------------- Pour les intéressés, le texte gagnant du prix Judith-Jasmin de la catégorie Grand reportage Entre vaches sacrées et Maserati de Maxime Bergeron Les finalistes La Presse en Haïti : L'Épidémie oubliée de Gabrielle Duchaine Les mots qui libèrent de Noémie Mercier